Peinture et inspiration, ou comment se détacher des diktats de la mode #2
Si la mode peut souvent être source de complexes et de frustrations, il suffit de changer son angle d'approche pour transformer ce qui se résume trop souvent à une religion consumériste en aventure aussi enrichissante que délectable…
En matière de vêtements, on aurait tendance à penser systématiquement en termes de marques, de modèles spécifiques à acquérir et de must have désirables. Il faut dire que tout nous y encourage, entre lookbooks alléchants, crédits s'affichant au survol des photos Instagram et séries mode des magazines où l'on détecte la dernière friandise Loewe.
On en vient alors à accumuler les frustrations, tant cette liste d'envies "fashion" se voit sans cesse alimentée en pièces inaccessibles. Mais aussi et surtout, on en oublie que les vêtements ne se résument pas au statut de "faire-valoir des griffes en vogue" : ils sont au contraire appelés à raconter une histoire, à servir un style et ils n'ont pour cela besoin ni de suivre la valse consumériste des tendances, ni de sortir d'un corner du Bon Marché.
Boudons donc les séries mode dictées par les annonceurs et les comptes Instagram aux looks prémachés et allons arpenter les musées et feuilleter les livres d'art : c'est là que se construit une vraie grammaire chromatique et stylistique. Nous en ressortirons assurément plus enrichies que frustrées, et découvrirons qu'il est bien plus jouissif de fouiller dans notre placard afin d'y dénicher un foulard jaune évoquant cette oeuvre de Ramón Casas (afin de rehausser un pull ou un gilet bordeaux) que de succomber une énième fois à nos pulsions d'achat face aux dernières baskets Grace Wales Bonner.
Dans la pratique :
Ce portrait peint par Lucie Geffré nous donne envie de fusionner vert sapin et laine moelleuse, puis de faire pétiller la sobriété de l'ensemble via . Il déclenche aussi en nous cette délicieuse pulsion hivernale nous invitant à aller nous lover au fond d'un café avec un chocolat mousseux et un carnet de croquis. Plus inspirantes que les mannequins de Vogue Paris, les héroïnes de Karyn Lyons distillent un irrésistible mélange entre style bourgeois et désinvolture nonchalante. Sur cette toile, associer un pantalon vert gazon trop grand au duo + relève du coup de génie stylistique. Mêlant chaleur fleurie et douceur maternelle, ce tableau de Joan Cardona Lladós invite à dénicher un immense châle brodé de très belle facture, non pas pour l'arborer comme la femme espagnole de la toile, mais pour y draper ses tenues les plus androgynes. Heinrich Vogeler et Nella Marchesini nous rappellent ici que la densité terreuse du marron ne peut être appréciée qu'au contact d'une teinte froide et lumineuse, à l'instar de ces bleus oscillant entre nuance prusse et teinte myosotis. Face à ces toiles, il devient évident que les ne peuvent décemment faire l'économie d'une broche ou d'une . Enfant, enfiler une tenue de princesse en plein mois de février, puis ajouter un gros gilet sur sa mousseline diaphane bon marché, allait de soi. Cela produisait des silhouettes touchantes. Adulte, on a oublié que ce mélange n'a pas de date de péremption. C'est en tout cas ce que ce modèle de Kenneth Forbes nous encourage à faire : ne jamais hésiter à réchauffer nos robes les plus légères et/ou sophistiquées au creux d'un gilet aussi réconfortant que douillettement rugueux.
Lorsque surgissent ces périodes où l'on tricote des écharpes d'idées sombres, où l'on dessine des précipices dans les marges de nos carnets et où "Grodek" de Georg Trakl tourne en boucle dans notre tête, on aurait vite tendance à s'habiller aux couleurs de son humeur : noire d'encre. Ce tableau de Lotte Laserstein nous ouvre cependant une autre piste : laisser la mélancolie s'exprimer en et bleu gris. En matière de combinaisons de couleurs, tout est affaire d'interactions subtiles. Sur cette toile de Gari Melchers, rien ne vient briser le rythme du dialogue chromatique et, pourtant, on est loin d'une palette soporifique. Associé à une base chaude et traversé de touches de vert frais, le mauve génère en effet une sensation d'équilibre à la fois évidente et vivifiante qui nous donne envie de la reproduire immédiatement dans notre garde-robe ( + un marcel blanc + + ces baskets). Avec cette affiche qui fait naître en nous le désir de revoir les films de Truffaut, de déguster des marrons chauds et de dessiner une marelle sur le trottoir, L. John Harris nous donne envie de réveiller nos pardessus camel, blazers sépia et autres d'un moelleux bonnet rouge coquelicot (voir , et ). Il faut dire que cette teinte possède le pouvoir quasi magique de transformer une pièce potentiellement ennuyeuse en élément d'un duo aussi esthétique qu'impactant. … Si l'on imagine que c'est un châle que la soeur de Mme Renée Kisling porte sur les épaules (et qu'elle associe ici à une robe bleu azur), l'ensemble n'en évoque pas moins une veste de jogging graphique des années 70. Un blouson léger dont l'empiècement color-block invite à jouer avec d'autres motifs reprenant les mêmes tonalités ou à être mixé à une pièce dont l'énergie sera à des années-lumière de l'univers sportswear (on pourra ainsi tenter de marier cette veste avec cette jupe). Du vert de son feuillage au marron clair de son écorce, en passant par l'orange de ses fruits, l'abricotier semble avoir fourni à H.Craig Hanna la palette idéale pour composer un look dont la dimension organique diffuse une fraîcheur paradoxalement chaleureuse (voir ici). Face à cette toile, associer pantalon en velours marron moiré, sweat en éponge vert forêt et paire de boucles d'oreilles clémentine devient soudainement une évidence.
On n'hésitera également pas à remplacer le fameux tee-shirt blanc dépassant du col de nos pulls par un modèle bleu ciel (Kris Knight), à troquer nos petites robes noires contre un modèle chocolat au lait (Tadeusz Styka), à réveiller nos jupes à carreaux kaki au contact d'un pull bleu outremer (le même que celui en toile de fond de cette oeuvre de Nikoleta Sekulovic), à acter que si le duo blanc/marron peut parfois manquer de subtilité, il en va tout autrement du mix bleu clair ultra dilué/marron (Jean-Pierre Cassigneul), à penser à cintrer nos longues robes noires avec une étole de soie pastel (George Hendrik Breitner), à nous souvenir que dégager le cou accentue l'élégance de n'importe quelle silhouette (Archibald George Barnes), à marier marron et lavande (Gari Melchers) et à garder en tête la règle du 90% / 10% en matière de look noir et blanc (Sir Herbert James Gunn).
Par Lise Huret, le 04 décembre 2025
Suivez-nous sur , et
Tenue féminine pour l'hiver
EN SAVOIR PLUS
Comment porter la jupe à 60 ans ?
EN SAVOIR PLUS
Idées de tenues tendances et féminines pour aller danser
EN SAVOIR PLUS
Style parisien chic : idées de tenues
EN SAVOIR PLUS
2 commentaires
Tous les commentaires
Réré •Il y a 2 heures
Eh! Bien ! Lise ,quel travail ! Je dirais même plus quel beau travail ! Tout les tableaux sont magnifiques et moi qui m’intéresse et aime la peinture j’avoue humblement ne pas en connaître la majorité ,bravo pour avoir trouvé les vêtements qui correspondent cet article est tellement inspirant c’est un bonheur .