Chronique #148 : Jet lag, préhistoire et négativité
Vendredi 3 avril, 19h. Alors que les réactions sur notre dernier article s'avèrent majoritairement positives, je ne parviens pas à faire abstraction du seul commentaire négatif. J'essaie de me raisonner, de focaliser mon attention sur les dizaines de phrases d'encouragement, de remerciement, mais je n'y parviens pas. La noirceur émise par ces mots agressifs annule injustement mais inexorablement le bienfait des autres. Une situation que je ne connais que trop bien...
Il suffit en effet d'une minuscule réflexion de la part de Julien, d'une amie, d'un professeur ou de mon père pour me faire totalement oublier la bienveillance des mots prononcés quelques instants plus tôt. Autrement dit, une simple remarque négative pèse bien plus lourd dans ma balance détraquée qu'une tonne de compliments. Un état de fait qui vaut depuis aussi loin que je me souvienne. Comme si j'étais constituée ainsi… Au fil du temps j'ai d'ailleurs fini par accepter avec fatalité mon intrinsèque négativité. Samedi 4 avril, 2h du matin. Le jet lag me maintient dans un espace-temps cotonneux que j'occupe en voguant sur la toile. Après avoir lu la bio de Vasco de Gama, visionné moult vidéos des vagues géantes de Nazaré et écouté en boucle la prononciation de mots portugais, je décide d'essayer de trouver une solution au mal être que je ressens depuis la lecture de ce fameux commentaire et tape dans la barre de recherche Google "mécanique mentale déséquilibrant l'importance des informations".
Quelques secondes plus tard, je tombe sur un article intitulé "Utilisez la neuroplasticité pour être plus intelligent et plus heureux". D'ordinaire assez hermétique aux méthodes de développement personnel et autres recettes magiques diffusées par quelques gourous nord-américains, je décide cette fois-ci de m'y attarder. Soudain, un paragraphe attire mon attention :
Rick Hanson, Ph. D. est un neuropsychologue, chercheur principal du Greater Good Science Center à UC Berkeley. Il décrit le cerveau comme étant comme le velcro pour les expériences négatives et le téflon pour les positifs. Ce biais négatif est un mécanisme de survie qui a mis nos ancêtres lointains hors de danger mais est devenu contre-productif dans le monde moderne.
Je ne saurais dire si la fatigue a rendu mon cerveau plus perméable à ce type d'explication, mais force est de constater que ces lignes piquent ma curiosité. Je continue alors mes recherches, qui confirment vite ce que j'avais cru comprendre : mon cerveau considère que je vis encore à l'âge de pierre. Il continue de prioriser les informations négatives sur les informations positives, ces derniers ne présentant que peu d'intérêt du point de vue de la survie.
Tout devient dès lors clair : une remarque négative sur ma nouvelle coiffure, un avis violent sur un de mes articles ou une remarque passive/agressive concernant mon attitude a autant d'impact sur mon cerveau que la vue d'un tigre à dent de sabre… De même, dix compliments de mon fils, quinze paroles encourageantes de mon mari ou 100 messages réconfortants de mes amis sont pour mon cerveau aussi négligeables que la présence d'une jolie fleurette sur le chemin d'un homme des cavernes.
Dans cette semi-réalité dans laquelle nous plongent les insomnies, j'ai alors l'impression confuse d'avoir trouvé une pierre précieuse. Comprendre qu'un mécanisme obsolète déréglait jusqu'ici ma perception des choses me fait l'effet d'une révélation quasi mystique. Sachant que le problème vient d'un cerveau "non updaté", je me dis qu'il est sûrement possible de le mettre à jour. Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre, mais je suis certaine que les bienfaits potentiels de ce reformatage valent que j'y consacre du temps.
Samedi 4 avril, 10h du matin. J'ai beau ne pas avoir encore établi de plan d'attaque, je me rends très vite compte que le simple fait de prendre conscience du mode de fonctionnement de mon vieux cerveau néandertalien suffit à changer la donne. Après un petit déjeuner joyeux et trois parties de 1000 Bornes avec Charles, la lecture d'un mail peu amène ne parvint en effet pas à m'enlever ma bonne humeur (ce qui aurait été le cas auparavant).
J'observe ainsi amusée cette bulle de négativité qui tente de gober goulûment les bons moments de la matinée. Je la regarde s'échiner à prendre toute la place. Quasi instinctivement, j'entreprends alors de la faire rétrécir afin de la remettre à sa juste place, à savoir loin derrière ma triple victoire au 1000 Bornes...
Et si des années de vigilance accrue seront sûrement nécessaires pour rendre ce rééquilibrage pérenne, l'enjeu est tel que j'ai bien envie d'essayer de faire - pour une fois - preuve d'endurance. À suivre...
Par Lise Huret, le 06 avril 2020
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