Chronique #102 : Être mère
"Mummy, dimanche c'est le Valentine's day des mamans !". D'ordinaire peu encline à célébrer les fêtes imposées, j'ai senti mon coeur soudainement se serrer en entendant ces quelques mots de mon fils prononcés entre une bouchée de tartine au chocolat et un coup d'oeil à la 34e page de son album de Lucky Luke. Une petite phrase "bonbon" qui m'a donné envie de lister toutes les petites choses qui ont changé depuis l'arrivée de Charles dans ma vie...
Alors qu'auparavant je pouvais sans ciller lire des romans ou regarder des films dans lesquels des parents perdaient un enfant, cela m'est aujourd'hui totalement impossible : je me projette automatiquement et arrive difficilement à contenir mes larmes. Je me suis découvert une passion pour les illustrations de livres d'enfants. Mes préférées ? Celles gorgées de micro détails, figuratives mais non dénuées d'un zeste de poésie et accompagnant un propos éducatif (voir ici).
Je peux désormais devenir hystérique si Julien jette un carton susceptible de se transformer le week-end venu en vaisseau spatial, sous-marin ou bureau de poste...
J'ai appris à accepter certaines incohérences de la vie, à l'instar des réveils très matinaux de mon fils le samedi et le dimanche, alors qu'en semaine l'animal est impossible à réveiller...
J'ai découvert que les enfants avaient une oreille sélective et une ouïe ultra développée leur permettant de relever systématiquement le seul mot "touchy" d'une conversation entre adultes.
J'ai désormais pleinement conscience du risque fou et potentiellement destructeur que l'on prend en décidant de faire entrer un enfant dans sa vie. La disparition de ce dernier creuserait en effet selon moi une béance impossible à cautériser.
Mes pulsions créatives ne me semblent plus complètement stériles, bien au contraire : elles me permettent de passer pour une magicienne aux yeux de mon fils. À nous ainsi les nuits sous la tente en draps dressée au milieu du salon, les dessins sur les murs tapissés de papier kraft, les potions de sorcière - à faire goûter à son père - concoctées avec les épices trouvées dans le placard de la cuisine et les stations de lavage de voitures qui remplissent de bulles toute la salle de bain…
Face à la fascination de Charles pour le récit de mes bêtises d'enfant/ado, je savoure l'illusion délectable d'être son héroïne préférée.
Je n'ai désormais plus deux mains ou deux jambes, mais quatre : il suffit en effet que Charles se blesse pour que je ressente instantanément une douleur viscérale me vrillant de l'intérieur.
Le regard que je porte sur les panneaux publicitaires auxquels nous sommes confrontés quotidiennement a évolué au fil des ans : alors que je n'y prêtais autrefois guère attention, ceux-ci me semblent désormais bien moins anodins. Les questions fréquentes de Charles sur telle ou telle publicité croisée dans la rue m'ont en effet fait réaliser que cette pollution visuelle était loin d'être neutre.
Après avoir longtemps été une farouche opposante à la peine de mort, la venue de Charles m'a fait toucher du doigt la complexité de la chose : si l'on devait un jour m'enlever mon fils de manière cruelle et arbitraire, je pense que j'éprouverais beaucoup de difficulté à ne pas désirer ardemment la mort du criminel en question.
J'expérimente une autre forme de compliment. Je connaissais le compliment amoureux, amical, filial, je découvre le compliment enfantin qui, de par sa spontanéité et son authenticité, s'apparente pour moi à une pierre précieuse.
Irrégulière en tout, la venue de Charles m'a contrainte à forcer ma nature, si bien que certaines choses que je pensais hors de portée il y a 5 ans font désormais partie de ma routine. Je parviens ainsi tous les matins à lui préparer sa "lunch box" et - encore mieux - à avoir toujours dans le frigo les aliments nécessaires à sa préparation !
Si je n'éprouve aucune difficulté à inventer des histoires farfelues à base de dinosaures chevelus et d'exoplanètes en sucre, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de vulgariser des concepts scientifiques, de répondre aux milliards de questions suscitées par le feuilletage d'une encyclopédie ou d'expliquer la notion de mort. Or, impossible de botter en touche devant un enfant aussi curieux que déterminé à connaître la vérité... Grâce à Wikipedia, à l'émission C'est pas Sorcier et autres puits de savoir disponibles en ligne, j'ai l'impression d'avoir davantage appris ces deux dernières années que lors de mes années collège. Des questions sur les cumulonimbus ?
Par Lise Huret, le 11 mai 2018
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Mes enfants ont passé l enfance ....déjà ...et si je devais définir mon lien je dirais que mes enfants sont le prolongement de mes membres( c est grave docteur sûrement)
Si j osais dire que une de mes filles est partie à Los Angeles et qu il n y a pas un jour ou ,un éventuel tremblement de terre , ne m a effleuré l esprit ... le bonheur est aussi grand que l angoisse parfois pour moi....
Vive l équilibre et la mesure des choses ,,,je ne suis pas forte dans cet exercice...