Chronique #63 : Sursaut stylistique
Entre jean boyfriend et pull-over bleu marine, j'ai longtemps pensé avoir définitivement trouvé mon style. C'était sans compter sur l'influence galvanisante de l'élégance florentine sur ma manière d'envisager ma garde-robe…
Si je devais désigner dans ma vie un moment charnière, ce serait sans hésiter mon entrée dans l'anorexie lors de ma seizième année, qui marqua pour moi la fin de l'insouciance. Et si à 20 ans j'étais guérie sur le papier, j'avais néanmoins totalement perdu le contact avec mon corps. L'habiller était devenu une contrainte, un moment douloureux.Avant cette diète mortifère, je n'aimais pourtant rien mieux que d'entrer dans une friperie en quête d'une chemise à fleurs susceptible de twister mes baggys, de sortir ma machine à coudre dès que l'idée d'un vêtement me venait à l'esprit ou encore de fouiller dans la commode de mon père à la recherche de la veste en tweed que je venais d'apercevoir sur un cliché pris il y a 20 ans. Bref, les vêtements m'amusaient, m'inspiraient et prolongeaient ma personnalité.
Après l'anorexie, ce rapport joyeux et bienveillant au vêtement avait totalement disparu. J'adoptais alors un uniforme qui me permettrait de contourner le problème, de me constituer une carapace et d'éviter de me poser les questions qui m'angoissaient. Sobre et androgyne, ce nouveau look me donnait une délicieuse impression d'invisibilité.
Dans le même temps, il devenait difficile pour moi de déterminer si les vagues tressaillements que je pouvais ressentir à la vue de telle ou telle pièce étaient guidés par un réel désir ou si ceux-ci n'étaient qu'une conséquence imprévue de ces analyses de tendances dont j'avais fait mon métier. Bref, je ne me faisais plus confiance, si bien que la manière de m'habiller était presque devenue pour moi un non-sujet.
Puis nous sommes arrivés à Florence. Loin des diktats parisiens, des regards inquisiteurs de la gent féminine et du règne incontesté des boutiques Maje/The Kooples/Sandro/Claudie Pierlot, je sentis tout de suite une paix m'envahir.
Au sein d'une ville où la mode masculine prend largement le pas sur son homologue féminin, je me mis alors peu à peu à scruter les looks des hommes, et en particulier l'usure des cuirs, les coupes classiques, les laines italiennes et les combinaisons de teintes. Toutes ces choses faisaient écho en moi, comme si elles me rappelaient ce rapport au vêtement que j'avais eu, puis perdu, et depuis totalement oublié.
Après quelques semaines, j'ai ainsi commencé à ressentir l'envie de sortir ma zone de confort, d'aller vers des tenues moins aseptisées et d'arrêter de regarder mes basiques à tendance masculine comme l'alpha et l'oméga de mon vestiaire, mais plutôt comme la cimaise de mes nouvelles envies.
Depuis cette prise de conscience inattendue, ma penderie s'est vue agrémentée d'un collier baroque et d'un manteau en casentino. Deux pièces qui attisent mon imagination et dont la qualité prime sur la tendance.
Reste à savoir si ces changements s'avéreront pérennes ou s'ils se limiteront à une simple incartade stylistique italienne… À suivre !
Par Lise Huret, le 05 février 2016
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Deuxio : loin de Paris, on prend aussi conscience du rapport au vêtement et au style assez malsain dans lequel la capitale baigne.
Allez, à quand un petit mélange d'imprimés et de couleurs façon Lacroix ou Dries van Noten ;) ?