Vendredi
18h : Nous arrivons sur la petite Piazza della Passera afin de tester le glacier qui nous a été recommandé par plusieurs d'entre vous. Une fois dans la minuscule échoppe, je suis intriguée par la couleur - très pâle - de la boule de pistache dans le cornet de ma voisine, très éloignée du vert chimique des glaces industrielles. Je décide donc d'opter moi aussi pour ce parfum. Dès la première cuillère, c'est la révélation : entre saveur subtile et éclats de pistache roulant sous la dent, mes papilles s'affolent. Et tout cela pour 1 euro la boule…
18h05 : Nous nous installons sur l'un des bancs de la place. À côté de nous, une demi-douzaine de mamans discutent en regardant leurs enfants s'ébattre sur les pavés, tandis que de jeunes trentenaires dégustent un breuvage fumant dans de grandes tasses. Ces dernières viennent du microscopique café situé juste en face du glacier, qui semble avoir fait de la place son annexe tacite. Entre ambiance chaleureuse, lumière de plus en plus atténuée et Charles contemplant interdit les fillettes s'exprimant en italien, nous savourons l'instant.
Lundi
16h : Alors que nous nous promenons près du Palazzo Vecchio, je lève les yeux et découvre le plafond très joliment décoré de la terrasse d'un bâtiment tout proche. Situées au dernier étage de certains immeubles, ces pièces dépourvues de mur extérieur et dont le toit se voit systématiquement soutenu par de puissantes colonnes me fascinent.
18h : Dans la vitrine d'une griffe de luxe, une silhouette composée d'un blouson teddy et d'une jupe midi mordorée capte mon attention. Sublimement mises en valeur au sein de boutiques majestueuses, les griffes italiennes livrent ici leur plein potentiel. Je n'ai jamais été aussi charmée par Prada, Gucci ou encore Fendi…
Mardi
8h : Il règne une atmosphère particulière dans les rues de la ville : tout est étrangement calme. Il faut dire que la totalité du centre historique a été sécurisée à l'occasion de la venue du Pape. Sur la Piazza Santa Croce, nous découvrons un écran géant où seront retransmises en direct ses différentes interventions.
11h : Nous filons à la salle de sport et tombons sur une place du Duomo encerclée de barrières. Pour la traverser, il faut montrer patte blanche et se soumettre à une fouille des sacs. Renseignement pris, le pape serait dans la cathédrale et s'apprêterait à sortir. Autour de nous, le temps semble comme arrêté : les restaurateurs sont sortis de leur trattoria, les glaciers ont délaissé leur boutique, tout le monde attend, guette.
11h20 : Je pianote sur mon téléphone, envoie un SMS et réalise soudain que ce petit appareil m'empêche de savourer l'instant. Je l'éteins et laisse mon esprit voguer.
11h45 : Un frémissement traverse la foule : il arrive. Dans sa papamobile, le geste généreux et le sourire bienveillant, cet homme tout en blanc diffuse une paix incroyable.
14h : Il est l'heure de mon rendez-vous avec mon psychiatre parisien. Plutôt que de sauter dans un taxi pour l'aéroport le plus proche, j'allume mon ordinateur : c'est en effet désormais via Skype que se déroulent nos séances. Et si ce fut au départ un peu étrange, mais je m'y suis finalement faite assez vite.
17h30 : Alors que nous gravissons les marches menant vers la Piazzale Michelangelo, nous voyons une nuée de bulles descendre sur nous. À la fois surpris et émerveillés, nous jouons avec Charles à les poursuivre. Une volée de marches plus haut, nous découvrons l'origine de cet interlude féerique : un italien d'une soixantaine d'années qui, sur un fond de musique classique, donne tour à tour naissance - en fonction de la corde utilisée - à une immense bulle de savon ou à une myriade de petites. Charles est bouchée bée : il faut dire que ces petites sphères volatiles offrent à la scène une bonne dose d'irréalité...
18h00 : Arrivés sur l'esplanade de la basilique San Miniato al Monte, une vue magistrale de Florence s'offre à nous. Je laisse alors Julien s'occuper de Charles et pénètre dans la basilique. J'y suis seule. Coupée de tout bruit, j'avance dans un espace tantôt sombre, tantôt lumineux et à l'immensité aussi stupéfiante que rassurante. Les églises italiennes ne cessent décidément de me séduire...
Mercredi
15h : À la supérette du coin, c'est Charles qui tire le panier à roulettes. Bien évidemment, il n'hésite jamais à mettre dans ce dernier tout se qui attire son regard. Le défi est alors pour nous de réussir à replacer discrètement les 3 paquets de gâteaux et autres sachets de chips qui se retrouvent ainsi au milieu de nos propres courses. Oui mais voilà, dans la confusion, certains produits réussissent parfois à passer entre les mailles du filet. Une fois à la maison, il nous arrive ainsi de découvrir des choses insolites : "Lise, c'est toi qui as pris de la pâtée pour chat ?".
17h15 : Face à un hôtel 5 étoiles semblant tout droit sorti des années 1900 se dressent les vitrines un brin surréalistes de la griffe Stefano Ricci. Les traditionnels mannequins ont en effet été remplacés par des aigles au regard menaçant, offrant aux luxueux costumes une aura insolite, entre l'Homme oiseau de Salvador Dali et l'esthétique d'Enki Bilal. Face à ces élégants volatiles, Charles se cache les yeux, tandis que de mon côté je les observe sous toutes les coutures...
21h : Je dévore sur mon iPad les dernières lignes du Royaume d'Emmanuel Carrère. J'aime cet écrivain à la plume claire, aux phrases limpides et aux textes en quête de sens.
Jeudi
6h30 : La journée commence mal : pas de connexion internet. Alors que je réalise à quel point notre travail est dépendant de la qualité du réseau local, je me dis que cette contrainte risque de nous interdire bon nombre de destinations plus ou moins exotiques…
9h : Face à un vieux cardiologue en blouse blanche parlant aussi bien anglais que je parle italien, j'apprends que la petite anomalie détectée récemment lors d'un ECG est en fait bénigne. Soulagée, je prends le temps de fixer dans ma mémoire le décor de cette pièce où lumière vacillante, plafond très haut, matériel vétuste, mosaïque au sol et montagnes de paperasses disposées en piles incertaines sur le bureau composent une scène d'un autre âge.
10h10 : Nous nous arrêtons dans une bibliothèque croisée sur le chemin du retour. Nous accédons au dernier étage et découvrons une immense terrasse couverte où travaillent dans la douceur du matin de nombreux étudiants. Sans tarder, nous nous installons à une table, heureux de pouvoir enfin commencer à travailler. Malheureusement, la connexion internet se révèle capricieuse. Décidément...
17h : Toujours privés d'internet, nous décidons de retourner Piazza della Passera ; peut-être qu'une glace nous remontera le moral.... Cette fois-ci, je décide de goûter au fameux parfum Mona Lisa, qui se révèle lui aussi exquis. Il est intéressant de constater à quel point la glace fait partie du quotidien des Italiens, comme pour nous le croissant ou la baguette : tout le monde en mange, des enfants aux vieilles personnes. J'ai hâte de voir s'il en sera de même lorsqu'il fera un peu plus froid...
18h30 : Un homme élégant en costume bleu nuit, la chemise blanche à peine ouverte, le cheveu légèrement long, le profil acéré et le soulier pointu referme la grille de ce que je crois être une gendarmerie. Avec son allure longiligne et sa beauté ténébreuse, il pourrait être un personnage de film…
Par Lise Huret, le 13 novembre 2015
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J'aime beaucoup les anecdotes concernant Charles, celle dans la supérette m'a particulièrement amusée.
J'ai une petite requête à te soumettre : pourrais tu nous écrire un article sur les hommes italiens que tu croises, et pourquoi pas, agrémenté de quelques photos streetstyle (cela serait nouveau pour toi?)? Ils reviennent souvent dans tes posts, et je dois dire que tu as éveillé ma curiosité!