Chronique #121 : Escapade vintage
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En quête d'une alternative à l'offre prêt-à-porter traditionnelle, je me suis récemment mise à fréquenter assidûment les friperies. Après quelques mois de pratique, voici mes premières impressions/constatations…
Croire que l'on pourra modifier la couleur peu engageante d'une robe fifties parfaitement coupée en la plongeant dans une teinture spéciale textile dénichée au rayon lessive du supermarché du coin est un fantasme pur et simple. À moins d'être une chimiste de la société Dylon et de connaître toutes les interactions possibles entre la composition du tissu, celle de la teinture et le coloris déjà présent, il y a de forte chance que vous vous retrouviez au final avec une robe certes toujours aussi bien coupée, mais dont la teinte indéfinie vous fera regretter celle d'origine...En matière de tee-shirts de seconde main, les modèles seventies issus des universités nord-américaines et autres "campgrounds" s'avèrent être de véritables pépites d'or. Je ne sais pas si cela tient au grammage de leur coton ou à la qualité de leur tissage, toujours est-il que ceux-ci sont inusables. J'en possède plusieurs : deux modèles de Yale hérités d'un ami y ayant fait ses études au début des années 70, un "Harvard 1974" déniché à Vancouver ainsi qu'un tee-shirt "Camp Taum Sauk" datant de 1979. Ils vont avec tout et n'ont peur de rien. Attention : les modèles plus récents ne présentent pas la même qualité.
Face à l'étroit miroir d'une cabine d'essayage étriquée, les neurones embués par l'odeur si particulière flottant dans ces cavernes d'Ali Baba pour étudiante à la Sorbonne fauchée, il est facile de surestimer ses talents de couturière. Réduire la carrure d'une veste en tweed au prix modique, élargir la taille d'une adorable jupe crayon ou encore changer la fermeture éclair d'une affolante combinaison-pantalon nous semble soudainement à notre portée. Dans les faits, si l'on n'est pas une virtuose de la Singer 3232 et que le mot "aiguille" nous évoque davantage une séance d'acupuncture qu'un patron Burda, mieux vaut rester humble. Acheter une pièce demandant trop de transformations risque en effet de condamner celle-ci à rester un temps indéfini sur la pile des chaussettes à repriser. Cela étant dit, il est tout à fait envisageable d'acquérir un vêtement ne nécessitant que de légères modifications. On pourra ainsi sans risque réduire la longueur d'une jupe ou d'un pantalon (il existe des centaines de tutos sur YouTube), couper les manches d'un tee-shirt, défaire les pinces d'un pantalon ou encore placer un élastique dans la ceinture d'une jupe ample légèrement trop grande…
Après avoir glissé mon pied dans bon nombre de paires de souliers de seconde main, j'ai tendance à en conclure que porter les chaussures d'une autre n'est pas souhaitable, celle-ci les ayant faites à la forme de son pied.
Lorsque l'on pénètre dans une friperie, la masse de vêtements à examiner peut vite apparaître décourageante ; d'où la nécessité de mettre en place un modus operandi qui nous permettra de passer un moment aussi agréable que fructueux. En ce qui me concerne, j'ai fini par comprendre qu'il fallait que je me laisse guider par mon regard. Ainsi, avant de toucher quoi que ce soit, je balaie tranquillement des yeux les enfilades chamarrées de chemises, robes et autres blousons. Lorsque quelque chose attire mon attention (à savoir une couleur, un imprimé ou une matière), je m'approche, l'extrais de l'amas compact formé par ses congénères et l'observe. Au lieu de compulser en vain des portants trop serrés, cette manière de faire me permet d'aller directement vers un produit susceptible de me plaire.
Un vêtement trop petit le restera quoiqu'il arrive. Autrement dit, inutile d'acheter un somptueux manteau sixties dont la carrure bien trop étroite empêchera la moindre tentative de free hug ou encore de craquer pour une marinière aux rayures parfaitement espacées, mais dont les poignets des manches flirtent avec le milieu de notre avant-bras : un vêtement trop petit se doit d'être reposé sur le portant.
À l'inverse, un vêtement trop grand pourra se révéler particulièrement intéressant. Une robe chemise au pimpant imprimé fleuri dans laquelle nous flottons deviendra ainsi un kimono d'extérieur tout à fait seyant, tandis qu'une longue chemise d'homme pourra se porter les manches roulottées à même une peau bronzée. On pourra également ceinturer taille haute une robe housse choisie quelques tailles au dessus de la nôtre ou encore nous la jouer Demna Gvasalia en déplaçant le bouton d'un jean trop large.
De nombreuses robes longues vintages difficilement adaptables à la vie de tous les jours gagneront à se voir transformées en robe midi. Passer par un retoucheur pour effectuer cette opération n'est pas forcément une mauvaise idée, et ce d'autant plus si la robe est un modèle vintage relativement onéreux.
Si en matière de vêtements de seconde main, il est n'est pas forcément aisé de parvenir à dénicher la perle rare, les boutons sont quant à eux faciles à trouver. Chiner ceux-ci est d'ailleurs un régal, tant la qualité de ces vestiges d'un art de vivre passé se révèle souvent réjouissante. Sans parler du plaisir indicible que l'on éprouvera en remplaçant les banals boutons en plastique de son caban Zara par des petites merveilles bombées provenant d'un ancien uniforme de l'armée canadienne...
Pour finir, je rajouterai qu'il est préférable de ne porter qu'une pièce chinée/vintage par look, l'idée étant de créer des mix and match entre style passé et esthétique contemporaine et non de s'adonner au plaisir coupable du total look.
Par Lise Huret, le 04 avril 2019
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Je vais opter pour ta méthode de fouille, et retenter certaines friperies de mon quartier, délaissées faute de courage :)