Chronique #104 : Ma robe Zara
Lundi 21 mai, 14h. De passage chez Zara, je laisse glisser mon regard d'un portant à l'autre en attendant le coup de coeur. Rien ne capture mon attention, jusqu'à ce que ma main frôle une robe en broderie anglaise noire sur fond blanc. Son col chemise me plaisant bien plus que les décolletés Bardot et autres cols volantés cannibalisant les modèles de saison, je décide de l'essayer...
Face au miroir de la cabine d'essayage, je ne sais que penser. Car si la coupe cintrée de la robe est indéniablement flatteuse, la dégaine chic de l'ensemble (liée à l'usage du noir et blanc et à la légère rigidité du tissu) n'est pas forcément adaptée à mon dress code habituel. Sans parler du fait que je ne suis guère une adepte du noir et blanc, auquel je préfère ouvertement le duo blanc/bleu marine. Mais cette robe me va bien… Après l'avoir associé mentalement à différentes pièces de ma garde-robe, je finis par me dire que cela vaut peut-être le coup de faire une entorse à ma charte stylistique personnelle et file vers la caisse. Quelques jours plus tard, profitant d'une météo enfin clémente, je me glisse dans ma nouvelle acquisition, noue mes cheveux en chignon haut, chausse mes runnings et descend me chercher un golden latte (j'essaie d'arrêter la caféine). Dès le hall de l'immeuble, je sens qu'il se passe quelque chose : le regard des concierges m'accompagne de manière anormalement longue. Dans la rue, deux fashionistas asiatiques détaillent furtivement ma tenue, tandis que certains hommes me sourient. Autant d'ondes positives qui me donnent envie de marcher la tête un peu plus haute et qui me font me sentir bien. Sur le chemin du retour, un businessman en complet veston avec qui je patiente au feu rouge me lance "You have such a lovely dress !" et achève ainsi de me mettre de bonne humeur pour les heures à venir.
En sirotant mon lait au curcuma devant mon ordinateur, je jette un oeil à Instagram : la "storie" où je pose avec ma fameuse robe a déclenché une avalanche de messages laudatifs. Oui mais voilà, si je me sens tout d'abord flattée, j'éprouve rapidement un léger sentiment d'imposture. Car cette robe, ce n'est pas vraiment moi... Plusieurs interrogations se mettent alors à virevolter dans ma tête. Vaut-il mieux se focaliser sur les vêtements qui nous mettent le plus en valeur ou sur ceux qui nous attirent le plus ? Les premiers nous amènent-ils à modifier nos goûts ? S'habille-t-on pour se plaire à soi-même, pour plaire aux autres, ou un peu des deux ?
Personnellement, si j'apprécie le confort d'un jean boyfriend, la dégaine d'une chemise masculine et le dynamisme des sneakers, force est de constater que ceux-ci ne mettent pas forcément mon corps en valeur et n'attirent pas le regard admiratif des passants. Or, avec cette robe Zara, j'effleure ce que doivent ressentir les femmes qui maîtrisent et embrassent les codes vestimentaires de la féminité classique, à savoir une indéniable volupté, voire un certain pouvoir. Une sensation qui ne me laisse pas indifférente, tant sa force a quelque chose d'enivrant.
Au final, si le risque est faible que je me transforme subitement en Jenny Walton ou en "Mad Men girl", je pense néanmoins que cette échappée fashion va me pousser à m'extraire un peu plus régulièrement du carcan stylistique que je m'impose parfois, plus par peur que par goût…
Par Lise Huret, le 28 mai 2018
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