Le contexte
L'omniprésence au sein du paysage mode (magazines + campagnes de publicité) de mannequins jeunes et très minces suscite de plus en plus de crispations. Accusées d'inciter à l'anorexie, de complexer les femmes "normales" et de promouvoir des physiques "irréels", presse féminine et griffes de mode provoquent le courroux des lectrices, et plus largement des consommatrices. Et lorsque celles-ci tentent de s'adapter en livrant une poignée d'éditions "spécial rondes", "black issue" et autres numéros spéciaux dédiés à un certain type de physiques, il arrive régulièrement que les mannequins soient encore jugées trop lisses, trop parfaites ou encore pas assez rondes. Il semblerait donc que le problème soit ici davantage lié au statut de "mannequin professionnel" des femmes posant dans les magazines qu'à leur type de morphologie/physique.
Un message apparemment reçu 5 sur 5 par certains magazines et maisons de mode. Intitulé "The Real Issue (a model-free zone)", le Vogue UK de novembre ne fait ainsi poser que des "vraies" femmes au sein de son numéro. De son côté, la griffe italienne Dolce&Gabbana multiplie les incursions "in the real life", entre photos de "vrais" ouvriers publiées sur son compte Instagram et campagne shootée dans les rues de Naples au milieu des badauds…
Une fausse bonne idée ?
Cousues de maladresses, ces initiatives traduisent en réalité bien plus un désir de faire le buzz qu'une vraie intention de faire changer les choses.
On pense notamment au hashtag #realpeople utilisé par Dolce&Gabbana (qui a quelque chose de fortement condescendant et surtout d'artificiellement clivant), mais aussi aux photos de la campagne automne/hiver 2016-2017 montrant des mannequins richement vêtues lâchées dans les rues de Naples (voir ici et là). Dans les deux cas, les "vrais gens" paraissent ternes, bien peu attirants. Le message semble pouvoir se résumer à "si tu veux t'extraire de la masse, offre-toi du Dolce"...
Et lorsque Alexandra Shulman se félicite de faire poser des femmes "réelles" au sein des pages du Vogue UK (voir ici, ici et là), le résultat est également loin de faire l'unanimité. On en veut pour preuve la réaction de cette journaliste du Guardian qui, face à ces superwomen du quotidien qu'on lui présente comme "réelles", se sent encore plus mal à l'aise : "Well, all I can say is, if these are "real women" then I must be a troglodyte. Models have never made me feel bad about myself because I understand that they are not supposed to represent me...".
Ce que j'en pense
L'usage du terme "vraie femme" a tendance à m'agacer au plus haut point : jusqu'à preuve du contraire, les mannequins sont faites de chair (à un degré variable, certes...) et de sang. Je ne vois pas en quoi le fait qu'elles doivent veiller à maîtriser leur poids - à l'instar des sportives, des danseuses, des cosmonautes ou des pilotes de chasse - leur retire le statut d'être "réel". Qu'est-ce d'ailleurs qu'une femme "réelle" ? Quand la mode arrêtera-t-elle d'utiliser des dénominations marketing n'ayant pour objectif que de faire vendre du papier en opposant les femmes entre elles ?
En ce qui concerne les griffes haut de gamme, je pense qu'elles devraient tout simplement arrêter d'essayer d'insérer de la "réalité" au sein de leur univers, le résultat de leurs efforts se révélant souvent d'une violente condescendance...
Par Lise Huret, le 02 novembre 2016
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Je ne suis pas sure que les clientes achèteraient les fringues si elles étaient portées par des personnes qui ne sont pas mannequins.
Les marques essaient de faire du marketing bien pensant mais le problème de la maigreur des mannequins, c'est aux marques ( et au magazines) de le résoudre.