Lorsqu'adolescente, je me mis à regarder d'un peu plus près les albums photo familiaux, je fus très vite interpellée par le contraste entre mon reflet dans le miroir et celle que je découvrais sur ces rectangles brillants. Je ne me reconnaissais pas, ne comprenais pas pourquoi - contrairement à la plupart de mes camarades - j'y apparaissais si peu à mon avantage.
Rapidement, j'en arrivai à la conclusion que les photos disaient vrai, que mes amies étaient belles et pas moi. Une constatation aussi déstabilisante que destructrice en cette période de la vie où le physique s'avère si important. Je fuyais alors les photos, arrachais celles qui me tombaient sous la main, évitais les miroirs et finis par perdre toute confiance en moi...
Une chose néanmoins m'intriguait : en dépit de cet implacable constat, je comptais quelques prétendants, des garçons dont mes amies étaient souvent amoureuses. À la mélancolie se mêla alors l'incompréhension : comment ceux-ci pouvaient-ils être attirés par la "Lise des photos" ?
Il me faudra des années pour comprendre que cette dernière n'existait précisément qu'en photo, que le "tout" que je formais ne pouvait être capturé par la pellicule et que la beauté n'avait de toute évidence pas grand-chose à voir avec la photogénie. Une prise de conscience facilitée par le regard franc de Julien. En me disant "Oui, tu n'es pas photogénique" et "Moi non plus je ne te reconnais pas sur les photos", plutôt que "Tu es très bien, allez on s'en moque !", il m'aida à faire la part des choses.
Aujourd'hui, j'ai compris que la beauté est mouvante, fantasque, insaisissable, et qu'elle naît de mille choses non "plastiques", telles qu'un éclat de rire, un sourire tendre, une manière de tourner les pages d'un livre, un pas joyeux, un port de tête altier, un air rêveur ou encore des paroles passionnées. Autant de choses qu'un simple cliché ne permet pas de capturer… PS : Après avoir longtemps été fascinée par l'insolente photogénie de certaines, j'ai peu à peu fini par perdre ma naïveté. Je sais désormais que pour une belle photo publiée sur un blog ou dans un magazine, 100 autres - généralement moins flatteuses - sont laissées de côté, mais aussi qu'un photographe maîtrisant lumière et profondeur de champ est capable de magnifier n'importe quel visage. Et si j'ai longtemps cherché à mettre la main sur ce photographe, c'est désormais à un peintre - à l'instar de H.Craig Hanna dont j'admire beaucoup le travail (voir ici, ici, ici et là) - que j'aimerais confier la tâche de me représenter, celui-ci étant je pense bien plus susceptible de capter cette beauté singulière que nous possédons tous.
Par Lise Huret, le 10 octobre 2014
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