Hors norme, le destin d'Ajak Deng l'est assurément. Lorsqu'en décembre 1989, Ajak - de son vrai prénom Angélique - voit le jour, c'est en effet un pays déchiré par d'interminables conflits fratricides qui lui sert de patrie. 12 ans plus tard, la guerre civile devenant de plus en plus meurtrière, la famille Deng se voit contrainte d'émigrer au Kenya, dans un camp de réfugiés.
Cela dit, il était écrit que rien ne serait épargné à Ajak : quelques mois après leur arrivée, sa mère meurt de la malaria, laissant l'adolescente à la tête d'une fratrie de sept enfants, dont le plus jeune n'a que six mois.
Après quatre années particulièrement difficiles, les choses semblent enfin s'arranger en 2005, lorsqu'elle parvient à s'envoler pour l'Australie avec ses frères et soeurs. Ajak réussit alors à suivre une scolarité presque normale, tout en continuant à s'occuper des siens. Mais elle n'oublie pas son rêve : mettre ses pas dans ceux de son idole, la mannequin soudanaise Alek Wek.
Pour ce faire, la jeune fille de 16 ans tente sa chance à tous les concours de mode que l'Australie organise, dont celui de "Miss Sud Soudan Australie", où elle attire l'attention des talent scouts.
Malheureusement, pour la svelte Ajak la chance n'est toujours pas au rendez-vous : entre un agent véreux (qui n'hésitera pas à l'escroquer) et les nombreux refus qu'elle essuie (en Australie, l'écrasante majorité des directeurs de casting déclare "ne pas travailler pas avec des mannequins noirs"), Ajak Deng doit se battre pour réussir à se faire sa place au sein du mannequinat.
Préférant se concentrer sur son objectif, la jeune femme prend rapidement le parti d'ignorer le comportement parfois très borderline des différents acteurs de la mode australienne, à l'instar de ces photographes de backstage de la fashion week de Melbourne se contentant de shooter les modèles blancs...
Sa patience finira d'ailleurs par payer : en 2009, elle décoche le Graal en intégrant l'agence new-yorkaise IMG. Il faut dire que dans le milieu de la mode, les choses sont alors doucement en train d'évoluer, les directeurs de casting commençant à recevoir des directives visant à élargir leur vision de la beauté...
En septembre 2009, Ajak défile ainsi pour quelques créateurs new-yorkais, avant de poser pour une campagne Benetton. Ce n'est cependant qu'en mars 2010 qu'elle commence véritablement à faire des étincelles : elle arpente alors les catwalks les plus en vue, de Lanvin à Givenchy en passant par Jean Paul Gaultier et Chloé.
Continuant son ascension, elle pose en mai pour le magazine Interview, puis défile entre autres pour Lanvin et Louis Vuitton lors des dernières fashion week. Prenant de plus en plus d'assurance, la jeune femme peaufine son look en se teignant les cheveux en blond platine...
Aujourd'hui, si la carrière d'Ajak commence à ressembler à celle des jeunes mannequins prometteuses, les choses restent toujours un peu différentes pour l'ex-réfugiée soudanaise. Hors de question en effet pour elle, une fois son cachet reçu, de suivre ses collègues de travail lors de leurs virées shopping : la priorité de Deng reste l'éducation et le bien-être de ses nombreux frères et soeurs, dont elle conserve la charge.
Cela dit, Ajak pourrait bientôt ne plus être la seule à subvenir aux besoins des siens, sa jeune soeur de 18 ans, Zahara, étant sur le point d'embrasser une carrière de mannequin...