Né en 1951 à Arles, le petit Christian semble être dès son enfance prédestiné à un avenir créatif. Il faut dire qu'autour de lui, sa famille accorde une grande importance à l'élégance, éveillant ainsi très tôt la sensibilité esthétique du bambin. Les volumes de "La Mode Illustrée" de 1860 - découverts chez ses grands-parents - développent également son imaginaire, tandis que sa Provence natale, regorgeant de fêtes costumées, de couleurs chaudes et de détails chatoyants, lui inspire mille et une rêveries.
Par ailleurs, le jeune garçon se découvre une véritable passion pour le théâtre. Il passe ainsi son temps libre à confectionner des petites figurines en carton qu'il habille selon les pièces qu'il décide de jouer. Plus tard, lorsqu'il assistera à de vraies représentations, il en redessinera les costumes, s'amusant à les modifier et à les faire évoluer...
Intéressé dans un premier temps par le métier de conservateur de musée, Christian Lacroix choisit de s'orienter vers des études d'histoire de l'art à Montpellier. Ceci dit, il ressent très vite le besoin de monter à Paris, afin de profiter des richesses culturelles de la capitale. Il s'inscrit alors à La Sorbonne, y travaille sur son mémoire (intitulé "Le costume à travers la peinture au XVIIe siècle") et poursuit ses études à L'école du Louvre, espérant en ressortir avec le diplôme de conservateur du patrimoine. Oui mais voilà, au détour de multiples rencontres, son destin le rattrape, le poussant à épouser une autre carrière...
Tout commence lorsqu'il fait la connaissance de l'attaché de presse Jean-Jacques Picart, qui l'introduit dans le milieu du luxe. Mais c'est lorsqu'il tombe amoureux de Françoise, sa future femme, que Christian Lacroix gagne en confiance et décide de se lancer dans la mode. En 1981, il rentre ainsi chez Jean Patou.
Déferle alors de nouvelles saveurs ensoleillées sur la couture parisienne (sortes de cartes postales de Venise et d'Espagne), le tout mêlé de multiples références historiques. Le style Lacroix est né, soulevant l'enthousiasme de la sphère mode. En 1987, le CFDA lui décerne même l'award du "Most influential designer"...
Dans le même temps, LVMH - en la personne de Bernard Arnault - pousse Lacroix à voler de ses propres ailes en lui faisant intégrer le sérail des marques du groupe, lui insufflant ainsi les liquidités nécessaires à la création d'une maison de couture. Dans le même temps, il décroche également le poste de directeur artistique chez Emilio Pucci.
Prolifique, le couturier crée tous azimuts : prêt-à-porter, accessoires, art de vivre... pas un support ne lui échappe. En parallèle, il trouve même le moyen d'assouvir une autre de ses passions : son amour des costumes de scène. Il en conçoit ainsi de nombreux, tant pour l'opéra que pour le théâtre.
L'homme devient rapidement l'un des fleurons de la haute couture française : ses défilés chatoyants, véritables kaléidoscopes d'époques, de traditions et de folklores vestimentaires, séduisent tant les riches clientes américaines que la masse qui, même si elle ne peut s'offrir ses toilettes, apprécie ce couturier qui ne rechigne pas à pénétrer dans leur univers.
En effet, Lacroix aime à développer sa créativité en dehors des podiums. C'est ainsi qu'il dessinera les costumes du personnel d'Air France, désignera un timbre-poste, relookera les éditions du Petit Larousse et apposera sa touche au design du TGV...
Cependant, ses collections ont beau être des plus exaltées, ses robes de mariée des plus insolentes et son enthousiasme parfaitement intact, la maison peine à dégager du bénéfice. En 2005, LVMH décide donc de se séparer de son bel oiseau en le vendant à une société américaine : Falic group. Celle-ci décide alors de fortement investir afin de booster le développement de la griffe. S'en suit l'ouverture de deux boutiques aux USA.
Malheureusement, la mauvaise conjoncture - entraînant le tarissement des fortunes américaines et japonaises, principales clientes de la maison - précipite sa chute. Car si la griffe n'a jamais gagné d'argent, elle perd en 2008 plus d'une dizaine de millions d'euros... Le couturier dénonce alors une mauvaise gestion mais reste à son poste, en dépit de ne plus être payé depuis plusieurs mois.
Placée le 2 juin en redressement judiciaire avec six mois d'observation, la maison Lacroix est aujourd'hui en sursis. Reste à savoir si, en dépit de la volonté farouche du couturier d'être présent lors de la semaine de la Haute Couture, on lui donnera les moyens d'être pour la 22e année consécutive à la hauteur de ses rêves camarguais...