En effet, avant Lemaire et ses défilés preppy girl, colorés ou sagement casual chic - et en tout cas de plus en plus éloignés de l'univers sportswear - le crocodile Lacoste s'était déjà frayé une place sur la scène internationale grâce à l'aura d'un homme : René Lacoste.
Celui-ci naît en 1904 dans un milieu aisé. A l'âge de 14 ans, lors de vacances à La Baule, il apprend à jouer au tennis et se prend de passion pour ce sport. Très vite, le jeune garçon se montre particulièrement doué, si bien qu'à force de s'entraîner avec persévérance il devient l'un des meilleurs joueurs mondiaux.
Il enchaîne alors les victoires et gagne plusieurs tournois prestigieux, tels que Roland Garros, Wimbledon et Forest Hills. Son jeu, à la fois tenace et constant, lui vaut de se faire surnommer "l'Alligator" par la presse américaine. Jugeant que ce sobriquet lui sied à merveille, René décide d'en faire son emblème. Il demande alors à un ami, Robert George, de lui dessiner un crocodile qu'il pourra porter au revers de son blazer : le logo Lacoste était né…
Par la suite, le joueur de tennis décide d'améliorer ses conditions de jeu en se faisant coudre sur mesure des chemises lui permettant de moins transpirer durant les matchs. Pour cela, il choisit un tissu léger en maille piquée, utilisé pour les chemises des joueurs de polo.
Peu après, René Lacoste décide de mettre à profit sa renommée internationale pour se lancer dans le business. Tout d'abord, il choisit de développer cette chemise imaginée en premier lieu pour son usage personnel, qu'il nommera la 1212. Il crée ainsi la société "La chemise Lacoste" en 1933, en s'associant à André Gillier, un industriel possédant une importante bonneterie. Le polo Lacoste frappé d'un crocodile brodé voit officiellement le jour, et reste aujourd'hui le produit emblématique de la griffe.
Dès sa première année d'exercice, Lacoste se diversifie en proposant d'autres chemises destinées au golf et à la voile. Le positionnement de la marque est alors clair : Lacoste vise une clientèle haut de gamme. Par ailleurs, on note que la griffe est la première à apposer sa marque à l'extérieur du vêtement, car auparavant les étiquettes se devaient d'être cachées... Lacoste est donc à l'origine du phénomène "Logo" que l'on arbore fièrement afin d'affirmer son appartenance à un groupe, et dans son cas à une certaine élite.
Si la société cesse ses activités lors de la Seconde Guerre mondiale, c'est pour redémarrer de plus belle en 1946. En effet, elle décide alors d'axer son développement sur l'international en misant sur une stratégie globale, à savoir proposer les mêmes produits quelque soit le pays auquel on s'adresse et standardiser les stratégies de communication, afin de diffuser une image de marque claire et reconnaissable. Elle investit ainsi les États-Unis en 1966, puis le Japon, le Brésil... pour finir par la Russie en 1995.
Sans cesse en quête de développement et désirant faire de Lacoste une griffe lifestyle, Bernard Lacoste prend les rênes de la société en 1963. Il a alors la ferme intention de poursuivre la politique d'extension de gammes qu'avait mis en place son père en 1959 en lançant une ligne enfant.
Pour cela, Lacoste ne construit pas de nouvelles usines mais préfère fonctionner par licences, afin de pouvoir rapidement accroître son rayonnement sans pour autant devoir s'occuper de la production. Il appose ainsi le croco familial sur de la maroquinerie, de l'horlogerie, des parfums ou encore des bateaux.
Par ailleurs, la griffe - alors exclusivement masculine - a tendance à se féminiser peu à peu. Les sports étant de plus en plus ouverts aux femmes, Lacoste tente de s'imposer sur ce nouveau marché.
Cultivant une image haut de gamme tout en pratiquant des prix abordables, Lacoste se situe sur un créneau hybride : ses produits sont à la fois un signe de distinction véhiculant des valeurs traditionnelles et sportives, tout en étant plus accessibles que n'importe quelle autre griffe de luxe sportswear.
Dans les années 90, la griffe perd un peu de son dynamisme : ses basiques fonctionnent toujours à merveille, mais un besoin de renouvellement se fait sentir. C'est alors qu'entre en scène Christophe Lemaire, un styliste français qui saura apporter à la marque la vitalité qui lui manquait, en développant ses trois points forts : décontraction, élégance et fraîcheur. En quelques saisons, il insuffle ce qu'il faut de modernité au vestiaire Lacoste pour rendre ce dernier désirable et stylé, laissant peu à peu derrière lui l'image d'une griffe uniquement sportswear.
La recette fonctionne à merveille : les ventes s'envolent, les boutiques fleurissent, tandis que le croco de René Lacoste - tout en séduisant toujours autant la faune BCBG - se voit adopté par une nouvelle clientèle : les fashionistas. Pour sa 54e édition, le magazine Visionnaire a d'ailleurs demandé à Karl Lagerfeld et Peter Lindbergh de réinterpréter le Polo Lacoste, faisant pénétrer celui-ci encore plus intimement dans l'univers mode…
Par Lise Huret, le 13 février 2009
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