Il en va des modes sur Instagram comme des goûts alimentaires des enfants : elles viennent, s'installent pendant un temps, puis disparaissent. Passage en revue de celles ayant impacté ces derniers mois la communication des influenceuses en vogue…
Les demoiselles instagrameuses semblent avoir un nouveau cheval de bataille : prouver au monde entier que, malgré un égocentrisme professionnel très marqué, elles savent cultiver de vraies amitiés mêlant fantaisie, humour et spontanéité. À elles ainsi les posts partagés, les poses en duo (ou en trio) et les clichés façon "moments volés". Ah, l'amitié… ce beau roman photogénique qui plaît tant à l'algorithme ! (voir ici, ici, ici, ici, ici, ici et là) Apparemment lassées des azulejos lisboètes et autres pavés en mosaïque de Copacabana, les influenceuses investissent désormais les musées, érigés en nouvelles cimaises de leurs mises en scène - des décors aussi flatteurs visuellement que porteurs d'une certaine aura cérébrale (voir ici et là). Avoir toujours dans son sac de quoi transformer un lieu parfaitement banal en décor de shooting : telle est l'une des règles d'or des influenceuses aguerries. Ajoutez à cela une pose faussement studieuse, un épiderme subtilement brillant et une paire de sandales digne de Sex and the City nonchalamment abandonnée au sol, et vous obtiendrez la quintessence de cette fausse authenticité si en vogue ces derniers temps (voir ici). Dans ce désir de plus en plus affiché de rompre avec l'esthétique trop léchée des réseaux, nombreuses sont les influenceuses à publier des clichés apparemment pris sur le vif de leurs compagnons (voir ici, ici, ici, ici et là). Cheveux hirsutes, mine chiffonnée, allure peu flatteuse : loin de chercher à les mettre en valeur, ces portraits bruts de leurs compagnons ont surtout pour effet de renforcer l'image de "girl next door" des influenceuses - une image bankable, qui fait exploser les ventes des Sézane et consorts dès qu'elles arborent l'un des produits de ces marques françaises accro au gifting. "Je suis comme vous et je vais vous le prouver" : tel semble être le nouveau mantra tacite de plus en plus prisé sur Instagram. Et si certaines arrivent à le mettre en pratique avec une certaine justesse, d'autres peinent encore à se défaire de leurs anciennes habitudes, où elles travaillaient davantage l'illusion du naturel que la véritable spontanéité (voir ici, ici et là).
Si l'on sait que l'avènement des réseaux sociaux a fait éclater la notion d'intime, on sait aussi que l'exposition des enfants sur ces plateformes est loin d'être anodine. Et pourtant… Transformer son compte public en album de famille, capturant l'innocence de ses enfants, la beauté de leurs sourires et la spontanéité de leurs réactions, semble devenu parfaitement naturel. Entre naïveté, volonté de fédérer sa communauté autour de contenus "mignons", orgueil mal placé, refus de réfléchir aux conséquences de ses actes et/ou confusion entre sphère privée et sphère publique, l'attitude des mères influenceuses déroute (voir ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et là). Avec sa couleur photogénique et son aura "saine" (mais paradoxalement toujours servi dans un gobelet en plastique - un carton recyclé ferait perdre tout l'intérêt visuel de la boisson), le jus vert reste une valeur sûre en matière de compagnon liquide (voir ici et là). Documenter ses séances de sport est devenu un hobby à part entière. Il faut dire qu'au-delà du plaisir narcissique que cela procure, cela permet aussi de faire passer un message limpide aux followers : certes, on s'entraîne sur les dernières machines à la mode, mais ce corps de rêve, on le doit avant tout à sa discipline et à sa force mentale (voir ici et là). Le temps où faire son lit était la base d'une éducation réussie semble bel et bien révolu. Pour une raison obscure - qui mériterait que Freud ressuscite afin d'en percer le sens caché - les Instagrameuses se sont récemment mises à photographier leurs lits défaits (voir ici, ici, ici, ici et là). L'intérêt de tout cela ? Aucun, si ce n'est d'offrir une mise en scène aussi banale que vide de sens. Seule consolation : à défaut de pouvoir s'offrir un sac Prada ou une vue sur Positano, on peut au moins, nous aussi, laisser traîner sa couette et dégainer son iPhone…
À force de multiplier les placements de produits, les influenceuses commencent à manquer cruellement d'idées pour promouvoir ces derniers. Résultat : il est devenu parfaitement acceptable de photographier le produit en question aux côtés de tout et n'importe quoi - et cela ne semble déranger personne (voir ici, ici et là). En matière de promotion décomplexée, l'unboxing fait d'ailleurs son retour en force (voir ici, ici et là). Conserver son équilibre au sein d'une société déréglée, entre chaos géopolitique, tempêtes hormonales et fluctuations boursières, n'a rien d'aisé. Heureusement, barrières, échafaudages, lampadaires et murs sont là pour offrir un soutien - aussi bien physique que moral - à celles qui font vibrer la fibre acheteuse des wannabe fashionistas (voir ici, ici, ici, ici et là). Évoquant à la fois la culture, l'amour du papier et la déconnexion temporaire, le livre a tout pour devenir un accessoire instagramable, au même titre que la tasse de latte, la paire de lunettes funky ou le pocket blush de Rhode (voir ici). Si les mises en scène soignées se font aujourd'hui de plus en plus rares, les influenceuses continuent de photographier leur nourriture. Fini cependant les assiettes parfaitement dressées sous une lumière flatteuse : désormais, un cookie à moitié entamé, un sandwich posé sur une serviette ou un cappuccino tiède suffisent. Ce n'est plus tant une question d'esthétique que de message implicite : "Je suis mince mais je mange, je me fais plaisir, je suis normale". Une spontanéité savamment dosée qui permet de donner une joyeuse illusion de proximité (voir ici, ici, ici, ici, ici et là). Si faire son lit n'est plus à la mode, manger cinq fruits et légumes par jour reste furieusement tendance (voir ici, ici, ici et là). Rien de tel en effet que l'éclat coloré de quelques poivrons ou agrumes pour sublimer un bronzage et rappeler subtilement à ses followers que les tomates fraîches sont bien plus "bikini friendly" que les chips Lay's (n'en déplaise à Demna Gvasalia).
Il semblerait que les premiers signes d'Alzheimer se manifestent précocement chez les influenceuses, qui sont de plus en plus nombreuses à confondre culotte et short (voir ici et là). Ce qui n'était au départ qu'un gimmick stylistique pourrait bien finir par être considéré comme un symptôme précoce de dégénérescence cognitive... Si les photographes demandaient autrefois à leurs modèles de dire "cheese" pour obtenir un joli sourire, on n'ose imaginer ce que ceux qui shootent certaines influenceuses leur soufflent à l'oreille. On aimerait ainsi connaître le mot-clé "yogi friendly" qu'ils utilisent pour obtenir ces poses n'évoquant rien de moins qu'un chien en train d'arroser joyeusement un lampadaire… (voir ici, ici, ici et là) S'inspirer est une chose, copier littéralement les idées des autres en est une autre. Or, cette pratique est en passe de devenir un véritable gimmick sur Instagram, tant et si bien que dès qu'une idée, une pose ou un set-up original voit le jour, il est aussitôt repris par une horde d'influenceuses ayant manifestement oublié ce qu'était la créativité… Travailler ses abdos afin de pouvoir dégainer son bikini à la moindre occasion (voyage de presse, shooting improvisé, invitation à l'autre bout du monde) est devenu aussi vital que se brosser les dents (si ce n'est plus). Et permet en plus de varier les poses au sein de carrousels de photos souvent aussi répétitifs qu'un calendrier de l'Avent sponsorisé (voir ici et là). L'autodérision est devenue la nouvelle clé pour plaire aux marques, désormais en quête de fraîcheur et de légèreté. Résultat : les poses facétieuses se multiplient, là où, il y a encore quatre ans, les influenceuses tentaient de reproduire les airs boudeurs des filles en couvertures de Vogue (voir ici, ici et là). Avoir les pieds sur terre est une bonne chose. Avoir les fesses posées à même le trottoir - ou à deux centimètres de l'asphalte - l'est peut-être un peu moins, ne serait-ce que d'un point de vue hygiénique. Mais après avoir posé leurs semelles de chaussures sur toutes les banquettes, tabourets et fauteuils du globe, nos jolies trendsetteuses n'en sont plus à une bactérie près… (voir ici, ici, ici et là)
Par Lise Huret, le 11 juin 2025
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24 commentaires
Tous les commentaires
Sandrine •Il y a 2 jours
Navrant, incroyable l’énergie dépensée pour se faire remarquer
Si c’était pour les autres comme mère Theresa, mais là c’est l’art du narcissisme et du ridicule
Où vont elles s’arrêter
Merci lise, j’ai bien rigolee
Ah oui merci Lise pour ce condensé exhaustif d absurdités ! On rigole bien. Le seul truc qui me fait envie c est le bronzage...objectif totalement atteignable prochainement 😎🌞 avec ou sans lit defait et sa Prada ou Miu Miu😉.
Belle soirée
Lise,
Une question me vient.
Comment construis tu ce type d'article ?
Est ce que tu remarques d'abord des tendances, puis tu cherches des illustrations de celles-ci ou est ce ces illustrations de vide, qui cumulées, font naître l'article et l'analyse se construit après ?
Je sais pas si ma question est claire.
En tt cas, c'est toujours un réel plaisir à lire, j'adore !
Entre chaque article de ce type, je remplis un fichier avec toutes les photos et publications qui m’interpellent. Et lorsqu’une tendance finit par se dessiner, j’en fais un nouvel article :)
Perso je trouve la plupart des images prises en exemple très sympa et souvent fraiches, y compris les légumes et les jolis lits. Peut-être es-tu de mauvaise humeur?
Au contraire, je suis de très bonne humeur :) Il n’y a rien de méchant dans cet article — je me contente simplement de pointer du doigt certains comportements récurrents sur Instagram.
C'est grâce à toi que je connais à peu près les dernières tendances Insta, vu que j'y suis de plus en plus rarement, et que je ne connais aucune de ces personnes, sinon via TdM. Bon, bref, ça me fait sourire et j'oublie aussi vite. Je préfère lire un bon bouquin, entre nous.
Je me rends compte que ma dernière phrase peut prêter à confusion. Je parlais d'Insta, pas de tes articles, bien sûr, que j'ai toujours plaisir à lire.
C'est à dire décadent ? Moi j'y vois plutôt une course en avant pour tenter de générer du flux (des clics, des likes, des commentaires, des partages, etc.) à tout prix, positif ou négatif peu importe, l'objectif étant de ne jamais passer inaperçue, quitte à multiplier les associations bizarres, les poses incongrues ou les mises en scène faisant volontairement réagir.
Décadent comme époque décadente -> on s’auto-référence dans un univers qui a du mal à penser l’avenir.
Cf. fin de l’Empire romain ; les années 1780, etc.
J'ai bien ri à la lecture de cet article très utile par ailleurs car l'analyse que tu fais de ces photos permet une mise à distance que je trouve plus difficile quand on est noyé d'images sur Instagram (même si cela fait très longtemps que je n'ai plus de compte). @Alice s'est-elle reconnue dans ces petits travers ou a-t-elle un peu honte d'admirer des comportements quelque peu risibles ;) ?
Fraîchement ridicules alors...et pour les légumes et les lits, faussement créatifs je dirais. Évidement que c'est esthétique mais tout est toujours pareil et pas naturel. Et étaler sa richesse en faisant mine d'etre madame tous le monde et encore pire profiter de ses enfants c'est plus que déplacé pour moi désolée. Mais bon si on aime pas on passe à autre chose et on prend seulement ce qui peut nous être utile ou agréable. C'est le meilleur moyen d'aborder sainement Instagram.
Le gimmick du lit défait me fait penser au film : "No sex last night"de Sophie Calle. Sorti en 1996, comme quoi brouiller les frontières de l'intime c'était précurseur ^^
Une question me taraude : Comment vivent les proches des influenceuses? Comment cohabite t on avec une personne qui ne vit que dans le souhait d'éveiller un désir quelconque chez autrui?
Un ami est sorti quelques années avec une femme qui a eu de plus en plus de followers sur Intsa (60k à ce stade il me semble). Sa vie à lui est devenue un enfer, à devoir la photographier bien sûr, mais aussi à être le témoin de la vacuité de cette vie tournée vers des marques, des produits gratuits, des obsessions hors d'atteinte (dont les sacs Hermès qu'on voit souvent dans les brèves ici) et rien d'autre...
Il l'a quittée à cause de tout ça.
Ah merci :) Je ne saurai pas étonnée que l'on voit fleurir dans les prochaines années moults témoignages de l'envers du décor....sans parler de tous ces enfants surexposés lorsqu'ils auront grandi. Delphine de Vigan nous propose une version dans "les Enfants sont rois" mais qu'en est il de la réalité? O_o Jusqu'ici tout va bien...
Si c’était pour les autres comme mère Theresa, mais là c’est l’art du narcissisme et du ridicule
Où vont elles s’arrêter
Merci lise, j’ai bien rigolee