Le contexte :
Évènement le plus attendu de ce mois de fashion weeks, ce défilé marque la prise de fonction de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton après 16 ans de règne sans partage de Marc Jacobs sur le prêt-à-porter de la maison parisienne.
Les inspirations :
Pour sa première collection chez Vuitton, Nicolas Ghesquière révèle avoir beaucoup écouté les femmes autour de lui, afin de mieux saisir ce dont elles ont envie et ce dont elles ont besoin.
La femme Louis Vuitton :
Avec sa silhouette gracile, sa démarche martiale et ses cheveux portés au naturel, Freja Beha - la mannequin qui ouvrit le show - incarne à merveille la nouvelle femme Louis Vuitton. Une femme à la coquetterie racée, au sex-appeal sous contrôle et à la fraîcheur contemporaine qui n'en a que faire des logos et n'hésite pas à délaisser tel ou tel artifice périssable au profit de la qualité des matières et de l'intemporalité des coupes.
La collection :
S'il émane du défilé un suave parfum sixties (ligne A, bottes sous le genou) mêlé de quelques effluves seventies (découpes sportswear, coloris cognac et nuances de bleu), le vestiaire imaginé par Nicolas Ghesquière n'en demeure pas moins globalement tourné vers l'avenir. C'est en effet la garde-robe d'une jeune femme d'aujourd'hui, férue d'intemporalité visionnaire, que le nouveau DA du fleuron du groupe LVMH dessine ici avec humilité et efficacité.
Affranchie du passé "marc jacobien" de la maison, ladite garde-robe fait la part belle aux détails sporty chers à Nicolas Ghesquière, aux empiècements subtilement rétro, aux clashs de textures, mais aussi et surtout aux cuirs. Déclinés sous toutes les formes (moleskine imprimé, daim peau de pêche, cuir tissé de plumes, croco, cuir vinyle), ces derniers se pensent tour à tour comme une seconde peau ou une carapace et cherchent tout au long du défilé à adoucir leur nature guerrière au contact de bribes de douceur lainée.
Des atours stricts que Ghesquière parvient à décrisper en les faisant évoluer tour au long du show, à coups de superpositions, d'échancrures impudiques, de puzzles mutants, de zips sportswear et de fentes latérales s'ouvrant haut sur la cuisse.
Et si la ligne A - entre manteaux trapèze futuro/contemporains, jupettes sixties et robes composites - constitue le fil conducteur de cette collection, certains ensembles n'en rappellent pas moins le style affûté et fédérateur de la fameuse collection Balenciaga automne/hiver 2007-2008. On pense notamment à l'ensemble blazer à chevrons/jean enduit/col roulé ainsi qu'au trio blazer à carreaux/cardigan rouge zippé/pantalon taille haute.
Les pièces fortes :
On retiendra particulièrement la présence de robes hybrides fusionnant esprit sportswear et esthétique sixties, de jupettes aux poches plaquées en trompe-l'oeil et de manteaux zippés à la ligne sablier et à la carrure étroite taillés au sein de peaux luxueuses. Au rayon maroquinerie, ce sont les speedy mono-anse, les malles lilliputiennes et les modèles classiques dépourvus de monogramme qui attirent le plus l'attention.
Ce que j'en pense :
Très prêt-à-porter, la collection livrée ce mercredi par Nicolas Ghesquière rassure. En proposant une collection aux antipodes de la grammaire théâtrale de Marc Jacobs, Ghesquière parvient en effet à s'affranchir totalement du travail du designer américain. Sous ses doigts une nouvelle ère commence. Une ère où l'intemporalité prime sur la tendance, l'excellence des matières sur l'artifice gadget et l'allure sur l'esbroufe stylistique. Une ère où les vêtements Louis Vuitton devraient se vendre aussi bien que la maroquinerie.
Pour autant, difficile de ne pas éprouver une légère frustration à la vue des silhouettes du show. Car aussi impeccablement exécutée soit-elle, cette collection n'en souffre pas moins d'un manque d'audace visionnaire, de folie high-tech et de prise de risque esthétique ; des qualités qui rendent d'ordinaire si fascinant le travail de Nicolas Ghesquière.
Une retenue cependant compréhensible au vu des enjeux économiques colossaux, et qui devrait peu à peu s'estomper au fil des saisons. Nul doute que la créativité SF du quadragénaire finira par éclater en pleine lumière chez Louis Vuitton…
PS : Au rayon chaussures, l'absence de Pierre Hardy se fait cruellement sentir.
Par Lise Huret, le 06 mars 2014
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