I. Silhouettes
Vent d'Est/Vent d'Ouest
Nouvel eldorado du luxe, l'Asie fascine. Ces dernières saisons, nombreux furent en effet les créateurs à se plonger au coeur de l'histoire du costume de ces contrées connues pour leur raffinement extrême. Empruntant à l'Empire du Milieu ses riches brocarts, à celui du Soleil Levant ses estampes délicates et à l'Occident sa capacité à fusionner les influences, ce furent ainsi des silhouettes aussi urbaines qu'impériales qui envahirent les catwalks hivernaux.
Passé maitre dans l'art du melting pot fashion, Dries Van Noten imagine pour sa citoyenne du monde un vestiaire s'inspirant aussi bien de la simplicité d'un ensemble de Tai Chi que des motifs des vases de porcelaine de l'ère Qing. Cette saison, l'élégance Van Noten se résume ainsi à une ample blouse de soie imprimée au col mandarin dégoulinant sur un étroit pantalon, le tout dans un esprit presque unisexe.
Nul doute que les invitées à la réouverture de la boutique Gucci de Shanghai apprécieront les toilettes de cocktails faisant honneur au glamour racé des beautés chinoises. Il faut dire que Frida Giannini n'a pas son pareil pour séduire les working girls de tous les horizons via des créations à la sophistication rationnelle.
Pour autant, seules les toilettes imaginées par Proenza Schouler réussissent véritablement à fusionner modernité et invitation au voyage. Mêlant déconstruction et brocarts sophistiqués, micro longueurs et volumes traditionnels, les toilettes de Lazaro Hernandez et Jack McCollough apparaissent universellement désirables. Dans la pratique, on délaissera donc les fourreaux Gucci un brin trop évidents et les amples blouses Dries Van Noten peu faciles à apprivoiser au profit de pièces au design frais et moderne, taillées dans des étoffes rappelant les plus belles heures de la dynastie Ming.
Déshabillés satinés
Thème récurrent s'il en est, l'esprit lingerie continue cette saison d'infuser bon nombre de collections. Et si la dentelle eut jusqu'ici la préférence des créateurs, c'est désormais en satin que se déclinent la plupart des déshabillés d'extérieur.
Entre teintes poudrées et froufrous saloon, c'est dans une ambiance belle de l'Ouest qu'Isabel Marant décline le gimmick lingerie, offrant ainsi à ses boho girls une escapade si ce n'est dépaysante, tout du moins pile dans l'air du temps.
Vêtues de nuisettes de soirée rebrodées de dentelle chantilly, les diaphanes Givenchy's girls misent sur une accessoirisation dark - large ceinture, longs gants de cuir et cuissardes sexy - faisant du satin coloré une arme de séduction massive.
Chez Jil Sander, délicatesse et douceur infinie semblent être les maitres mots. Alliant coloris dragées, détails lingerie et pudeur soyeuse, Raf Simons nous livre en effet une poignée de déshabillés au minimalisme des plus romantiques. Réchauffés de quelques maxi-manteaux et autres gilets oversize, ceux-ci pourront s'aventurer sans rougir sur les pavés urbains. Au quotidien, on n'hésitera pas - à l'instar d'Isabel Marant - à tempérer nos robes esprit nuisette par le biais d'une paire de boots. On note également qu'il sera plus prudent de miser sur des longueurs chastes à la Jil Sander que sur un condensé d'ultra sexyness, tout Givenchy soit-il...
Ex-fan des sixties
Hypnotisants, obnubilants, voire même entêtants, les imprimés sixties chers à Twiggy ont littéralement déferlés sur les podiums des très prescripteurs Prada et Louis Vuitton. Ignorant toute demi-mesure, ceux-ci n'hésitèrent pas à travailler ces motifs rétro en all-over.
Avec ses ensembles à maxi cols Claudine, pantalons feu de plancher et losanges tabac ornés de circonvolutions moutardes, Marc Jacobs propose à la femme Louis Vuitton un bien étrange voyage, au sein duquel le risque de faire tapisserie semble avoir été largement sous-estimé...
Un brin plus discrets et mesurés, les imprimés sixties aperçus chez Prada imprègnent des costumes étroits de garçonnet, dont le ceinturage taille haute des vestes à boutonnage croisé permet de conférer une réelle modernité à la silhouette.
Enfin, chez Miu Miu, Miuccia Prada continue de dérouler le fil de son inspiration en travaillant les graphismes sixties sur des costumes ayant troqué leur veste contre une redingote, composant ainsi des ensembles plus néo chics que jamais. Dans la pratique, seules les jeunes femmes filiformes évoluant dans des milieux "créatifs" pourront se permettre ce genre de partis pris graphiques, les autres devant se contenter de consommer les préceptes pradiens en mode dépareillé.
Le quartier des officiers
Cette saison, les designers internationaux appellent les fashionistas sous les drapeaux. Davantage hautes gradées que simples conscrits, ces nouvelles amazones empruntent aux officiers cabans et longs pardessus.
Les effluves militaires ont beau flotter sur le podium d'Altuzarra, celles-ci ne s'en consomment pas pour autant en mode premier degré. Que ce soit en se glissant dans une affolante paire de cuissardes ou en arborant un col en fourrure so chic, treillis et cabans n'hésitent en effet pas à prendre leur distance avec l'état-major.
De la tenue de chasse aux réminiscences army, il n'y a qu'un pas chez Burberry Prorsum. Empruntant à l'iconique Barbour ses matelassages et au lexique army ses teintes camouflages et ses détails "trench", les manteaux aux hanches gonflées de ces "Diane d'un jour" fusionnent les influences utilitaires chères à la griffe britannique. Cela dit, une fois ceinturés taille haute par un fin lien de cuir girly, ces derniers pourront sans démériter quitter tranchées et sous-bois au profit d'une escapade urbaine.
En réchauffant ses robes translucides par le biais de longs et lourds pardessus militaires, la fille Balmain offre à la sexyness de sa silhouette un cocon protecteur lui permettant d'affronter intempéries et aléas de la vie sans perdre une once de son pouvoir de séduction. Entre coloris kaki, teintes bleu marine et boutonnages dorés, les manteaux et autres vêtements d'extérieur d'inspiration St Cyr devraient faire partie des pièces fortes de l'hiver 2013. Attention cependant à ne pas oublier de leur insuffler un zeste de sophistication et de les marier à des atours plus féminins que roots.
Baroque contemporain
Alors que la crise continue de miner l'économie et que l'endettement de certains pays atteint des montants abyssaux, certains créateurs tentent de remonter le moral de leur richissime clientèle à coups de somptueuses collections au luxe aussi baroque qu'optimiste.
Inspirées de la magnificence des oeufs Fabergé, les toilettes Balmain sont rarement apparues aussi délicatement ouvragées et audacieusement éclatantes. Entre broderies perlées, tapisseries un brin kitsch, cuir minutieusement matelassé et volumes modernes, le bling-bling Decarnin cède la place à la préciosité d'un Olivier Rousteing au mieux de sa forme.
Accros aux fils d'or, Domenico Dolce et Stefano Gabbana n'ont pas hésité à en surcharger les toilettes baroques en diable de leurs élégantes décadentes. Apposés sur un fond ardoise, les brocards dorés cannibalisent ainsi la moindre parcelle de matière, sophistiquant à l'extrême cape de cardinal, bustier affriolant, shorty lingerie et voile translucide.
Chez Lanvin, joaillerie et prêt-à-porter fusionnent, donnant naissance à des robes-bijoux dont la surcharge de pierreries fantaisies n'est pas exempte d'ironie. Comme si Alber Elbaz s'amusait à parodier - non sans tendresse - ces Russes ultra fortunées ignorant toute demi-mesure en matière d'opulence. Comme souvent avec les tendances trop excentriques pour pénétrer tel quel dans notre quotidien, celle-ci se consommera en petites touches sous la forme d'un accessoire signature (pochette ornée d'un motif en tapisserie, escarpins bijoux) ou d'un basic rehaussé par un détail phare issu de ladite tendance (col de blazer brodé d'or, etc...).
II. Must have
Baggy en cuir vs Jodhpur
Délaissant quelque peu slims et autres pantalons pattes d'eph', les derniers podiums hivernaux furent nombreux à faire la part belle au baggy en cuir et au jodhpur de luxe. Et si ces derniers sont tous deux des pièces fortes à part entière, ils n'en affichent pas moins des ADN totalement antinomiques, l'un cultivant une luxueuse nonchalance minimaliste, l'autre arborant une dégaine d'amazone néo-raffinée.
Aperçu aussi bien chez Hermès que chez Proenza Schouler, le pantalon baggy en cuir semble avoir vocation à remplacer son homologue skinny dans le coeur des modeuses. Taillé dans une peau souple noir carbone, celui-ci se veut aussi masculin que désinvolte, insufflant au cuir une allure plus cool chic que rock sexy. Et si chez Hermès, Christophe Lemaire n'hésite pas à l'associer à un long manteau volumineux, c'est à l'évidence marié à des pièces aux volumes un brin plus maitrisés que ce dernier révélera son plein potentiel.
Peu vu depuis son coup d'éclat en 2007 chez Balenciaga, le jodhpur tente cette saison de renouer avec son ex-statut de must have. Il choisit pour cela de délaisser le champ lexical de l'équitation et de mettre en avant ses origines exotiques en se déclinant dans des tissus mordorés - voire chamarrés - davantage dignes d'un maharadjah (Altuzarra) que d'une banale écuyère. Plus flatteur et facile à casualiser - par le biais d'un petit pull en mohair ou d'un sweat en néoprène - que son challenger, le baggy en cuir semble avoir toutes les chances de l'emporter sur le jodhpur. Il faut dire également qu'en conseillant de porter ce dernier avec une paire de cuissardes, les créateurs ne facilitent guère sa transition des podiums vers la rue, seule une sylphide à la Emmanuelle Alt pouvant se permettre ce genre de duo...
Cape vs Maxi Manteau
Minimaliste ou baroque, mini ou maxi, la cape est partout et se décline à l'envi. Son format, son style, sa couleur sont à la discrétion du créateur, l'essentiel étant de proposer une pièce susceptible de transformer les modeuses en petits chaperons modernes. À moins que ces dernières ne préfèrent succomber au charme rassurant des manteaux oversize qui déferlèrent sur les podiums les plus en vue...
Aussi radicale et immaculée que celle portée par Gwyneth Paltrow lors de la dernière cérémonie des Oscars, la cape blanche imaginée par Philipp Lim va à l'essentiel. Oublié le romantisme chevaleresque de ce genre de vêtement : zips sporty et épaules raglantes convoquent ici une esthétique bien plus "Bienvenue à Gattaca" que "Les Trois Mousquetaires". En omettant d'injecter un brin de modernité à leur modèle Renaissance, Domenico Dolce et Stefano Gabbana nous livrent quant à eux une cape certes sublime, mais au final bien plus propice à vêtir un personnage de roman qu'une élégante du 21e siècle.
Entre imposantes carrures surdimensionnées, double cols, revers texturés et allure faussement classique, les pardessus masculins vus chez Céline réussissent l'exploit de protéger sans écraser les frêles brindilles qui s'y glissent. Sans parler de leurs lignes précises et de leurs coupes XXL parfaitement calibrées, qui en font un condensé de chic ultra contemporain. Chez Jil Sander, les manteaux boules à l'ampleur féminissime forment un cocon pastel autour des bourgeoises fifties de Raf Simons. Dénués de boutonnages et épurés à l'extrême, ces derniers conjuguent poésie et radicalisme avec une apaisante délicatesse. Enfin, chez Chloé, ce sont les duffle-coats oversize qui se veulent ultra cosy en se taillant dans une fourrure teddy bear. Si la cape reste un classique, ce sont incontestablement les manteaux légèrement surdimensionnés et déclinant le concept du cocon protecteur sur des tonalités aussi variées qu'attractives (du néo-classique au rétro-minimaliste en passant par le casual régressif) qui s'avèrent ici les plus désirables.
Le sweat dans tous ses états
Pièce sportswear s'il en est, le sweat gagne cette saison en sophistication. Oubliés les modèles en molleton douillet adoucissants slims en cuir et jupes crayon : en 2012, ceux-ci se métamorphosent en pièces créateurs n'ayant plus de sweat-shirts que le nom.
Après les graphismes intarsia et le néoprène bicolore, les sweats Céline optent pour une dégaine un brin plus conceptuelle. Alliant fourrures, cuirs et jersey color block, ceux-ci revendiquent un ADN constructiviste de luxe qui ne devrait pas laisser indifférentes toutes celles qui désirent allier fantaisie et minimalisme.
En mêlant détails sporty - bandes graphiques, col en bord-côte - et raffinement asiatique, les Proenza Schouler réussissent à trouver le parfait équilibre entre prêt-à-porter casual et exotisme racé. Sur leur podium, satin molletonné, broderies oiseaux de feu et volumes coolissimes composent en effet un condensé idéal de néo-sophistication urbaine.
De son côté, Nicolas Ghesquière se veut légèrement plus exigeant : entre buste à base étroite, carrure tombante, matière semi-rigide et motifs tigrés en relief, le sweat Balenciaga n'a à l'évidence plus rien de casual. Délaissant ses inclinations loungewear au profit d'un ADN plus pointu, le sweat n'hésite pas cette saison à arborer broderies et patchworks de textures. De quoi en faire une pièce forte de la rentrée 2012...
Maxi carrure
Working girl émancipée, la femme de 2012 arbore une allure subtilement guerrière. Prête à en découdre avec toutes celles et ceux qui se dressent sur son chemin, cette dernière délaisse ses perfectos girly au profit de vestes et manteaux à la carrure offensive.
Chez Balmain, les épaules étirées à la Christophe Decarnin cèdent la place à une carrure boxy plus absolue. Un volume quasi militaire qui ne parvient pas à adoucir son caractère excessif, et ce malgré l'adjonction d'une débauche de perles nacrées.
Entre mini manches kimono à la ligne d'épaule tombante et effet micro cape, l'écuyère Givenchy se nimbe de glamour glacé. Aussi inaccessible qu'ultra féminine, celle-ci parvient à rendre sa panoplie de combattante diablement séduisante.
En empruntant ses épaulettes à la traditionnelle armure de samouraï, les soeurs Rodarte réussissent à insuffler une dimension subtilement martiale à leurs manteaux années vingt. Ainsi épaulées, les redingotes parviennent alors à conjuguer au présent leur allure rétro, mais sans pour autant revêtir une aura ultra désirable. Affichant une carrure relativement imposante, les manteaux de l'automne/hiver 2012-2013 manquent parfois de subtilité. Dans ce contexte, on misera en priorité sur des pièces à la Céline ou à la Carven - dont les épaules surdimensionnées se fondent dans le volume général - plutôt que sur des modèles focalisant l'attention sur lesdites épaules.
III. Matières
Tweed vs Velours ras
Au rayon textile, tweed et velours ras se disputent âprement la première place du podium, l'un tentant de troquer son ADN gentleman-farmer contre un style frais et féminin, l'autre essayant d'imposer ses reflets moirés au sein des garde-robes casual chic...
Pour débarrasser le tweed de ses oripeaux de lord anglais, Clare Waight Keller emploie les grands moyens. La jeune femme n'hésite en effet pas à tailler les pantalons de jogging Chloé dans un tweed souple et chiné ; un traitement certainement un brin trop radical pour une matière requérant un minimum de structure. Pour en trouver une variation intéressante et réussie, il faudra ainsi aller fureter du côté de chez Stella McCartney, dont les mini robes patchworks réussissent à conférer au tweed british une ravissante dimension girly/sporty.
De son côté, le velours ras peine à trouver une expression désirable en dehors du traditionnel blazer : de Christopher Bailey chez Burberry Prorsum (qui travaille le velours ras en lourds volants asymétriques) à Olivier Rousteing chez Balmain (qui taille ses pantalons flous dans une panne de velours bleu cyan), aucun créateur ne parvient à rendre bankable cette matière très prisée dans l'ameublement. En résumé, c'est donc vers le tweed version Stella McCartney que se tourneront de préférence celles qui souhaitent faire twister sur une note contemporaine une matière jusqu'ici réservée à la confection de leurs blazers fétiches...
Matelassage vs Fourrure chamallow
À en croire les jeux de textures observés au sein des dernières collections automne/hiver, le moelleux serait plus que jamais à l'ordre du jour. Il faut dire que généreux matelassages et fourrure chamalow n'ont pas leur pareil pour adoucir pièces XXL et design guerrier...
Sur le podium Balmain, une myriade de croisillons rebondis viennent patiner avec succès les carrures boxy d'Olivier Rousteing, conférant alors à ses blousons un soupçon de cosyness. Une fois matelassées, les vestes de samouraïs SF des Proenza Schouler perdent quant à elles en belliqueusité au profit d'une dégaine soft. Autrement dit, rien de tel qu'un matelassage emprunté aux vestes de chasse anglaises pour tempérer le caractère farouche des pièces fortes de saison.
De leur côté, shearling doucereux et fourrure teddy bear pastel n'auront aucun mal à dulcifier l'ampleur un brin massive des manteaux oversize du moment. À leur contact, duffle-coats surdimensionnés Chloé, pardessus-peignoirs Sonia Rykiel et manteaux XXL Véronique Leroy se muent en rassurants cocons girly. Particulièrement attractifs, ces deux effets matières - qui nous promettent confort et allure up-to-date - apparaissent impossibles à départager. On n'hésitera dès lors pas à entamer la rentrée en veste matelassée et pull-over à mini losanges molletonnés (Chloé), avant de succomber, une fois l'hiver venu, à la douceur suave et chaleureuse de la fourrure sweety.
Brocart
Fer de lance de l'opulence optimiste qui imprégna moult défilés automne/hiver 2012-2013, le brocart - étoffe de soie agrémentée de motifs brochés d'or ou d'argent longtemps réservée aux tenues d'apparat des monarques - s'essaie aujourd'hui au prêt-à-porter, sans pour autant chercher à gommer sa magnificence.
En recouvrant de lys brochés d'or un ensemble Marni trop rigide pour être vraiment chic, Consuelo Castiglioni ne parvient pas à démocratiser le brocart. Sous ses doigts, ce dernier reste en effet profondément monarchique, à des années-lumière du quotidien des modeuses.
En prise directe avec leur origine chinoise, les brocarts des Proenza Schouler réussissent à dépasser le cliché de la soierie outrageusement décorée en misant sur des coloris automnaux à peine rehaussés d'or, ainsi que sur des volumes fusionnant avec brio esthétique asiatique et fraîcheur sexy.
De son côté, Alber Elbaz transforme un manteau épuré en pièce subtilement luxueuse via un brocart ciel étoilé. Entre reflets métalliques, coutures apparentes et absence de col, ce modèle Lanvin réussit à transcender la nature ancestrale de cette technique d'embellissement, lui offrant ainsi une expression des plus modernes. On retiendra que pour se conjuguer au présent, le brocart se devra d'associer son ADN oriental à des volumes contemporains, des coupes déstructurées et des toilettes coquettes version manga, tout en boudant les tenues trop classiquement chic.
IV. Couleurs
Kaki
Corollaire de la présence de nombreuses influences militaires sur les podiums automne/hiver 2012-2013, le kaki et ses diverses déclinaisons investissent la palette chromatique de saison. Et si elle se voit souvent portée en total look, cette teinte camouflage n'en tente pas moins de sophistiquer un brin sa nature utilitaire via des satins et autres tissus soyeux.
Chez Givenchy, la nuance olive perd de son caractère martial au profit d'une allure équestre, par le biais d'un satin moiré évoquant quelques déshabillés chics. Mariée à du cuir chocolat, cette teinte se fait alors ultra smart.
Infusant des créations satinées fluidissimes, le kaki vu sur le podium Gucci se veut des plus élégants. Entre veste dévorée et pantalon large, le costume imaginé par Frida Giannini parvient à lui insuffler une bonne dose de glamour androgyne.
Enfin, chez Haider Ackermann, le kaki vert-de-gris évoque sans grande subtilité les uniformes des officiers de la Seconde Guerre mondiale. Un premier degré regrettable, que les jeux de coupes et autres duos de textures ne parviendront pas à sophistiquer. En résumé, celles qui voudront insuffler au kaki une réelle dégaine up-to-date seront bien inspirées de bouder les pièces de facture trop militaire au profit de modèles plus raffinés, n'ayant pour seul lien avec le ministère des armées que leur teinte treillis.
Bleu de Cobalt
Qualifié de "couleur divine" par Vincent van Gogh, le bleu de cobalt s'impose comme la révélation picturale de la saison. Plus lumineux que le bleu marine et moins commun que le bleu pétrole, celui-ci parvient aussi bien à réveiller les teintes placées à son contact qu'à illuminer la silhouette de son éclat peu commun.
À trop vouloir en faire, Karl Lagerfeld étouffe chez Chanel la beauté naturelle de ce pigment minéral. Travaillée sur chemise iridescente associée à une jupe en résille, cette teinte proche du bleu Klein perd ici en évidence.
Bien consciente que le bleu de cobalt se suffit amplement à lui-même, Stella McCartney n'hésite pas à le décliner en monochrome. Taillées dans cette teinte indissociable des vitraux de la cathédrale de Chartres, les mini robes finement aristocratiques de miss McCartney irradient de modernité absolue.
Chez Balenciaga, Nicolas Ghesquière offre au bleu de cobalt une parfaite expression sportswear via un blouson teddy surdimensionné à la texture mousseuse. Entre matière moelleuse et design oversize, celui-ci sert à merveille la nature sans concession de ce bleu souvent associé aux porcelaines chinoises. À l'instar de Stella McCartney et de Nicolas Ghesquière, on n'hésitera pas à conjuguer le bleu de cobalt en mode minimaliste, sous peine d'amoindrir l'impact de ses hypnotisants pigments.
Orange
Évoquant aussi bien les plots signalétiques que certains vêtements utilitaires, l'orange fait partie de ces couleurs généralement interdites de séjour dans nos garde-robes. Oui mais voilà, à en croire les créateurs les plus en vue du moment, l'hiver 2012/2013 ne pourra se passer d'un shoot de vitamine C...
Pas de demi-mesure chez ACNE : loin de se contenter de colorer timidement quelques basics, l'orange néo trendy tente de passer en force en venant colorer des volumes XXL. Au risque d'effrayer plus d'une fashionista...
Misant sur un volume à peine plus mesuré, Dries Van Noten fusionne orange citrouille et pardessus masculin oversize, donnant ainsi naissance à une pièce certes parfaite sur un podium, mais qui aura toutes les chances d'apparaître un brin trop décalée une fois descendue dans la rue.
Cette saison, pour pouvoir envisager l'orange sous un jour flatteur, c'est à l'évidence du côté des Proenza Schouler qu'il faudra se tourner. Associant celui-ci à des modèles aux teintes sobres et à l'ergonomie mesurée, le duo de créateur parvient à rendre cette couleur safranée presque désirable. Au quotidien, on n'hésitera donc pas à délaisser les aplats d'orange XXL chers à Elisa Nalin et Susie Lau pour se concentrer sur des modèles consommant l'orange à dose homéopathique. L'idée étant de se familiariser en douceur avec la couleur fétiche de Francois Bayrou...
En guise de conclusion, on note quelques autres points forts de la saison automne/hiver 2012-2013 : Férue de superpositions, la saison automne/hiver 2012-2013 met à l'honneur le tandem jupe/pantalon. Dans la pratique, on laissera aux podiums les silhouettes trop chargées à la Louis Vuitton pour s'inspirer des compositions monochromes Prada et des chicissimes ensembles d'inspiration asiatique signés Dries Van Noten.
De leur côté, les vestes n'hésitent pas à jouer les poupées russes. Du micro modèle en fourrure réchauffant un simple pardessus au perfecto sans manches rockisant un manteau folk' en passant par la veste lainée adoucissant une doudoune plate, les pièces d'extérieur se télescopent, formant ainsi des duos inédits.
Les parkas se féminisent en se ceinturant systématiquement taille haute. Ainsi cintrées, celles-ci adoptent une dégaine hybride, entre aura army et subtilité girly (Chanel, Burberry Prorsum, Dries Van Noten).
Les manches prennent du volume en se gonflant sur toute la longueur du bras, avant de venir mourir sur le poignet (Balenciaga, Céline, Rodarte).
Les effets de volumes esprit "basques" cèdent la place à des hanches sur-arrondies dessinant une silhouette toute en courbes (Carven, Marc Jacobs, Stella McCartney).
Pardessus, trenchs et autres manteaux 3/4 se parent de revers contrastés afin de réveiller leur coupe épurée. Un détail subtil et efficace qui pourrait bien se voir repris massivement par la fast fashion (Alexander Wang, Balenciaga, Carven, Jil Sander).
Le bas resserré des pantalons de jogging tente une percée smart. Et si chez Hermès bord-côtes et daim souple font relativement bon ménage, le premier degré des pantalons en molleton Chloé aura du mal à flatter toutes les silhouettes.
Cousues de manière à accentuer leurs volumes, les poches soufflets familières des vêtements de chasse se substituent aux volants péplum de 2011 en accentuant la tournure des vestes et autres jupes taille haute (Chloé, Burberry Prorsum, Chanel).
Jamais à court d'idées pour séduire les jeunes citadines, la fourrure se décline sous la forme d'opulents cols asymétriques (Proenza Schouler, Michael Kors).
Jupes longueur genou, blouses et combinaisons se taillent dans des voiles translucides en provenance directe de l'univers de la lingerie. Une tendance à consommer avec parcimonie (Balenciaga, Givenchy, Vanessa Bruno).
Alors qu'Anne Sinclair ne devrait plus tarder à faire son retour sur les ondes hertziennes, on n'hésite pas à ressortir pulls et gilets en mohair (Christopher Kane, Sonia Rykiel, Vanessa Bruno).
Le pull-over fait main a plus que jamais la cote (Chloé, Stella McCartney).
Bien décidés à prendre le contrepied de la morosité ambiante, les vêtements se parent de verroteries, strass et autres cristaux, se transformant ainsi en de véritables oeuvres Art Déco. Une tendance qui risque cependant de vivre difficilement sa déclinaison fast fashion (Louis Vuitton, Prada, Lanvin)...
"Non-couleur " universelle, le noir de saison imprègne moult textures différentes, ce qui lui permet de gagner en reflets, éclat et intérêt (Jil Sander, Louis Vuitton, Prada).
Alors que les capes sont toujours en odeur de sainteté, les ponchos tentent de séduire les modeuses en adoptant une dégaine gaucho (Hermès, Rage&Bone, Mickael Kors).
Les imprimés se veulent ultra figuratifs, oscillant entre personnages de Star Wars, angelot renaissance et peinture moyenâgeuse (Balenciaga, Carven, Dolce & Gabbana).
Les imprimés sixties se mélangent tous azimuts, composant des ensembles kaléidoscopiques que la simple mortelle aura sûrement bien du mal à reproduire devant sa psyché (Miu Miu, Prada, Rochas)...
Par Lise Huret, le 27 avril 2012
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