Impossible - hormis la fourrure immaculée - de mettre un nom sur les matières composant les tenues imaginées par Nicolas Ghesquière pour l'automne prochain. Perforées, découpées ou matelassées, celles-ci ne doivent d'ailleurs plus avoir grand-chose à voir avec les matériaux d'origine.
Cette recherche textile particulièrement développée, jouant tour à tour sur des compositions de type monochromes mat/lumineux et sur des puzzles de couleurs en opposition (teintes pastels/vives), permet à Ghesquière d'opérer de multiples variations autour d'une seule et même pièce. On a ainsi pu voir se succéder plusieurs volumes identiques, au sein desquels seule la composition textile et picturale évolua.
Il est vrai que chez Nicolas Ghesquière, l'impact de la texture prime sur toute autre préoccupation. Les 35 modèles de la collection ont d'ailleurs dû paraître bien insuffisants au DA de Balenciaga, tant sa créativité s'avère prolixe lorsqu'il s'agit de composer quelques patchworks futuristes...
Cependant, on aurait tort de croire que Ghesquière soit uniquement tourné vers la performance technique. Aussi pointu et moderne soit son vestiaire, il n'en reste pas moins en étroite relation avec l'image de la Parisienne chic, espiègle et optimiste.
Quant à savoir ce qui inspira au styliste ces vestes de cosmonautes compartimentées, ces ensembles fluides délicatement perforés ainsi que les tenues finales imprimées de textes criards, Nicolas Ghesquière révèle avoir été animé par l'envie d'ennoblir les objets domestiques.
Les vestes sportives constructivistes ont donc bel et bien pour origine une pile de tupperwares, tandis que les minutieuses perforations s'inspirent du moulage de petits gâteaux français et que les textes tronqués des tops zippés font écho à la fois aux notices accompagnant l'électroménager et à l'oeuvre Textorama de son amie l'artiste Dominique Gonzales-Forster. Ce faisant, Nicolas Ghesquière s'inscrit dans la lignée des artistes tentant de transcender la nature banale des objets du quotidien, à l'instar d'un Warhol et de sa soupe Campbell.
Enfin, ceux qui voudront apercevoir un condensé du propos de Ghesquière n'auront qu'à baisser les yeux vers les souliers des mannequins. Ces derniers - alliant clins d'oeil cubistes, pièces de plastique moulées, croco et brides chic - illustrent en effet à eux seuls les envies de décloisonnement esthétique et de fusion contemporaine que Nicolas Ghesquière impose toujours un peu plus à la maison Balenciaga...
Par Lise Huret, le 05 mars 2010
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