Sur tout autre que lui, ce genre d'incartade égocentrique apparaîtrait déplacé. Oui mais voilà, dès qu'il s'agit de l'homme au catogan, nos critères en matière de politiquement correct s'estompent au profit d'une tendre complaisance...
Extrême méticulosité, lubies maniaques, obsessions diverses, rites hygiéniques... autant de composantes qui relégueraient n'importe quel individu au ban de la solitude sociale. Lagerfeld, pourtant, semble échapper à toutes les règles. Car à vrai dire, il est la règle, le fil rouge prouvant que la mode n'est pas sérieuse et se doit d'être éprise de libertés en tous genres.
En dépit de son allure collet monté, de son langage châtié et de sa logorrhée de références littéraires, il est ainsi parvenu à être à la fois hautement respecté du milieu artistique (souvent avant-gardiste), adulé par la jeune - voire très jeune - génération et honoré par les hautes dignités fashion, tout en étant dans le même temps apprécié par la ménagère de moins de 50 ans. Autrement dit, celui qui étoffe sa légendaire enfance à chaque interview et ne sirote que du Pepsi Light a réussi un véritable tour de force en parvenant à manier à la perfection communication de masse, élitisme assumé et buzz orchestré, le tout sans jamais perdre une once de son charisme hypnotisant.
Année après année, on ne se lasse pas de son accent guttural, de sa manie des it girls et de son jeunisme atypique. Il faut dire que Karl est rassurant, terriblement rassurant, son aura de patriarche ultra branché rendant l'univers de la mode moins incisif. En fait, même ses boutades cinglantes sont savoureuses, tant il est désormais entendu que dans nos sociétés lissées, le concept du "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil" est rentré dans les moeurs.
Pour toutes ces raisons (et bien d'autres encore), Karl Lagerfeld peut parfaitement s'afficher avec un sac en toile d'autopromotion, avec l'assurance de ne recevoir de nous qu'un sourire amusé et une petite prière : là où les Valentino, Cavalli et autres Jitrois ont échoué (en ne sachant pas s'affranchir de la caricature du créateur vieillissant en quête de l'éternelle jeunesse), nous on veut que Karl continue à twitter, à gentiment déranger et à insuffler ce qu'il faut de poil à gratter non conventionnel - et foncièrement hype - à tout ce qu'il touche...
Par Lise Huret, le 28 mai 2009
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