Etoffe nouée
Inspirés par l'univers de la danse ou intrigués par les dress codes venus d'autres continents, de nombreux créateurs ont mis à l'honneur la pratique du "nouage", conférant ainsi à leurs créations une touche de désinvolture foncièrement élégante.
Chez Jean Paul Gaultier, c'est l'énergie de la danse contemporaine et la fluidité de ses tenues d'exercice qui ont envahi le podium. Ici, le noeud fait la robe, tandis que les matières fluides et sobres se transforment - sous l'impulsion désorganisée d'un nouage approximatif réalisé dans l'urgence - en drapés modernes.
Dries Van Noten quant à lui fait fusionner le chic racé d'une citadine et l'élégance innée des femmes d'Afrique, en associant ses techniques de coupe traditionnelles au nouage de matières (utilisé pour tous les vêtements d'apparat sur le continent africain).
Riccardo Tisci pour Givenchy sublime ses mini robes de cocktail en leur offrant la respectabilité du drapé, tout en dédramatisant celui-ci en le faisant naître d'un large noeud insolent.
Le plébiscite est clair : cet été, on noue et renoue avec l'art du noeud. Nous pourrons ainsi lifter nos mini un peu trop amples en les nouant sur le côté, exposer au soleil notre nombril en faisant twister un simple tee-shirt en coton grâce à un noeud bien placé ou encore diaboliser n'importe quelle robe sage en nouant sa jupe haut sur la cuisse...
Néo jodhpur
Pantalons larges, sarouels, combi-pantalons… ils sont tous là et seront bien présents sur nos gambettes cet été. Cependant, si ces derniers ne font que s'épanouir au fil des saisons, ils n'apportent guère de nouveauté. Ce n'est pas le cas de ce que nous qualifierons de "néo-jodhpurs", des créations hybrides aperçues sur les podiums qui comptent.
Chez Alexander McQueen, c'est à un ensemble aux imprimés fantasmagoriques que vient s'associer ce pantalon skinny aux découpes innovantes. Ces dernières donnent l'illusion d'un bas de jaquette venant couvrir les cuisses tout en jouant avec les graphismes du pantalon, conférant à l'ensemble un aspect étrange mais non rédhibitoire.
Olivier Theyskens pour Nina Ricci retravaille le jodhpur - un modèle qui lui tient à coeur - en alliant la brillance goth' du cuir au chic d'un pantalon cigarette. Par ailleurs, les revers gris des "oreilles" du jodphur évitent de créer un effet d'optique peu flatteur pour cette zone à risque de la morphologie féminine.
Même principe de rajout de tissu chez Anne Valérie Hash, mais dans un esprit beaucoup plus aérien, presque oriental. Les mouvements fluides de la matière ont le bon goût d'accompagner élégamment la démarche.
Expérimentale, cette innovation l'est sans conteste. Reste à savoir s'il s'agit vraiment d'une avancée pour la beauté de la silhouette...
Jupe de danseuse
À en croire la longueur de rigueur en vogue sur les podiums, Alain Souchon n'aura aucun mal cet été à "voir sous les jupes des filles"... Ces dernières, amples et micros, vont faire les beaux jours des gambettes de gazelles...
Chez Dior, c'est une patineuse rock qui arpente le podium, assumant sans pudeur la transparence de sa mini plissée. Elle met ainsi à l'honneur un boxer emboîtant qui pourrait bel et bien devenir la star des sous-vêtements, ceux-ci étant amenés à s'exhiber de plus en plus.
Sporty et satinée, la "jupe bloomer" de Stella McCartney (doublée d'un short ton sur ton) permet d'arpenter les pavés la conscience tranquille, sans avoir peur de la traîtrise d'un coup de vent. Epuré mais néanmoins girly, ce type de jupette s'associera à des tops loose surmontés d'un blazer ou d'un petit blouson, afin de tempérer son côté sexy.
Chez Ann Demeulemeester, la mini-jupe - toute virginale soit-elle - gagne en caractère grâce aux liens la cintrant taille haute ainsi qu'à l'accumulation de jersey la faisant blouser effrontément. Du rock blanc pour lolita dark.
On adoptera donc avec plaisir cette tendance qui allie savamment la sexyness d'une jupette de pom pom girl à la patine plus loose d'un top roots.
Futuriste touch'
Dopés aux mangas Goldorak et aux fantasmes futuristes post 2000, certains créateurs emmènent le prêt-à-porter vers un avenir toujours plus high tech, où la technocouture rencontre l'imagination de ces Emmett Brown en herbe…
Hussein Chalayan repousse les limites de la gravité en figeant la matière. En plein arrêt sur image, ses mini robes pour cyber girls semblent être sur le point d'être aspirées par une force inconnue... Splendide.
Chez Balenciaga, la science-fiction se fait portable. Pourtant, ces panoplies de bikeuses du futur sentent bel et bien la performance technique et l'exploit couture. Nicolas Ghesquière parvient à créer un vestiaire empreint de rêverie avant-gardiste, tout en nous donnant envie de revêtir ses vestes haute technologie.
Robe moulée, hologramme figé sur la coque de cette dernière… Alexander McQueen imagine le look des androïdes du futur, contemporains de l'Apocalypse...
Le vêtement semble ici échapper à toute tendance. Chacun poursuit son propre chemin, avec pour seul point commun d'être définitivement tourné vers l'avenir, aussi incertain soit-il.
Transparence totale
Depuis le début des fashion week de la saison, les transparences flirtent avec quasi tous les vestiaires. Il aura pourtant fallu attendre Paris pour que la pudeur s'efface totalement, au profit d'un néo-naturisme esthétique quelque peu déroutant.
Chez John Galliano, les toilettes de mousseline se font plus diaphanes que jamais, mettant en valeur un corps qui se veut la clef de voûte de l'allure. Plus que jamais, le corps devient l'ultime faire-valoir de la femme, n'en déplaise aux féministes...
Chez Nina Ricci, Olivier Theyskens s'inspire des lingeries d'antan et décline en toute poésie des robes à traîne dont la transparence ne choque plus, et qui finissent par séduire grâce à leur évanescence intemporelle, délicate et raffinée, presque politiquement correcte. Des créations d'une douceur infinie, qui n'ont malheureusement aucune prise avec la réalité.
Plus suggérée que ses homologues, la semi-transparence d'une baby doll strassée de chez Stella McCartney, réchauffée par une maille loose et légère à souhait, compte bien nous convaincre d'arrêter de jouer les prudes et d'adopter cette dégaine néo-casual.
Cela dit, hormis lors de soirées ultra select ou dans l'intimité d'une plage privée de Saint Barth', les transparences totales - aussi seyantes soient-elles - semblent vouées à subir un mariage forcé avec nos dessous Petit Bateau...
Tribale
Karen Blixen et ses écrits ont apparemment influencé les collections de cet été, qui ont retranscrit en filigrane - et en toute subtilité - les influences d'Afrique noire chères à l'héroïne d'Out of Africa.
Chez Louis Vuitton, Marc Jacobs assaisonne ses looks années 40 de quelques touches d'exotisme tribal qui, sous la forme d'un imprimé léopard ou de bracelets ethniques, relève chaque look d'une saveur savane.
Chez Celine, c'est l'esthétique Masaï qui prévaut, offrant une silhouette chic et transculturelle à une citadine en manque de voyages, entre corset bondage, parure de femme girafe et pagne impudique.
Quant à Galliano, s'il s'amuse à télescoper chez Dior silhouettes eighties et graphismes ethniques, c'est sur ses accessoires que la tendance africa dream se fait le plus fortement sentir. En effet, chaque modèle est chaussé d'escarpins où les talons aiguilles ont cédé la place à des statuettes grigris...
Comme nous le suggèrent les podiums, nous n'hésiterons donc pas à l'occasion de l'été prochain à incorporer à notre dress code quelques subtils détails venus d'ailleurs.
Traîne pour princesse moderne
Les robes longues sont une fois de plus légion au sein des collections de l'été prochain : pas un défilé où les amples mousselines ne balayent les derniers instants du show. Alors qu'elle pourrait nous sembler un rien galvaudée, cette pièce n'a pourtant pas fini de nous étonner : en provenance directe des siècles derniers, la traîne fait son grand retour, même si elle se veut désormais bien plus sexy que protocolaire…
Traitée de la manière la plus victorienne qui soit, elle fait son apparition chez Nina Ricci, permettant ainsi de confirmer la tendance. Au passage, nous pouvons d'ores et déjà nous attendre à voir les jambes se dévoiler sur les tapis rouges, les "it" robes longues se pensant mini sur le devant.
C'est une princesse rock aimant le destroy chic qui s'empare du podium de Balmain. A l'aide d'une paire de ciseaux, elle décide de faire twister sa traditionnelle robe de bal... Rebelle, sexy et diablement fashion, la belle de Christophe Decarnin est faite pour briller dans les hautes sphères de la jet-set.
Chez Ungaro, l'ambiance est au farniente. Sur les terrasses de Portofino, les jolies demoiselles au patrimoine doré offrent à leurs mini robes estivales une longueur d'avance en s'amusant d'une traîne oversize et légère.
Ce nouveau format risquant de faire des émules chez Zara et consorts, les robes longues - qui flattaient notre silhouette sans nous obliger à posséder des jambes Bundcheniennes - ne seront bientôt plus qu'un lointain souvenir. L'été prochain nous obligera donc à être plus "body conscious" que jamais...
En bref :
Les carrures continuent de se vouloir protéiformes. Les épaules sont plus que jamais le lieu de toutes les fantaisies (Isabel Marant, Balmain, Givenchy)
Le blazer masculin est toujours une valeur sûre (Stella McCartney, Kris Van Assche, Chloé)
Les fleurs se veulent fanées et passées, mais sont extrêmement présentes (John Galliano, Kenzo, Cacharel)
Lurex et paillettes deviennent les matières de prédilection des créateurs (Chloé, Alexander McQueen, YSL, Lanvin, Michel Klein)
Le jean bleach (ou délavé) s'impose dès aujourd'hui comme le nouveau must have…
©photo : Vogue
Par Lise Huret, le 10 octobre 2008
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