Ce qui l'angoisse n'est pas de jouer la comédie, mais de subir tout ce qui entoure la célébrité. Elle aurait aimé qu'on l'oublie une fois sortie de la salle de cinéma… En 1990, elle a 19 ans et tourne "Aux yeux du monde" avec un certain Yvan Attal, acteur ténébreux dont elle tombe rapidement amoureuse. Pour elle, la beauté masculine naît de la virilité, virilité qui n'a rien à voir avec des muscles saillants, mais qui relève plus d'une violence cachée. Une beauté faite de négligé brut…
Idéal masculin qui se révèle être un condensé du style de son père, dont elle trouve une version tout à fait acceptable auprès d'Yvan Attal. Une année plus tard, Serge Gainsbourg s'éteint, laissant Charlotte écrire sa vie seule. Les films se suivent : "The Cement Garden", "Grosse fatigue", "Anna Oz", "Jane Eyre" et "Suspicion"… Charlotte y conserve cette image d'adolescente inadaptée et tourmentée. En 1997, Charlotte devient maman d'un petit Ben.
Il faut attendre 1999 et la film "La bûche" pour que Charlotte brise enfin son image et fasse découvrir au public toute l'étendue de son talent d'actrice, en interprétant une jeune célibataire affirmée et pleine de vie. Ce rôle est à des années lumières de l'image éthérée de ses débuts, la critique l'encense et elle obtient le deuxième César de sa carrière.
Ce tournant professionnel s'accompagne d'une mutation publique de la jeune femme : elle s'affirme un peu plus, se fait un tout petit peu moins rare dans les médias et affirme être une bonne vivante… Sa timidité - qui se transformait souvent en mutisme - devient soudainement charmante, car Charlotte ne la subit plus, elle fait partie d'elle, un point c'est tout. Elle tourne deux téléfilms, puis s'épanouit sous la direction de son mari dans "Ma Femme est une actrice" et "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants". On y découvre une Charlotte Gainsbourg espiègle, intense et séduisante.
Entre les deux films, une petite Alice vient agrandir la famille, ce qui n'a pas empêché Charlotte durant ses mois de grossesse de décrocher un rôle outre-Atlantique dans "21 grammes" de Alejandro González Iñárritu.
De "L'un reste l'autre part" de Berri au "Prête-moi ta main" d'Éric Lartigau avec Alain Chabat en passant par "Lemming", Charlotte s'impose comme une actrice à part entière du cinéma français. Et pas seulement, car elle fait également des émules à l'étranger : on la retrouvera bientôt aux côtés de Cate Blanchett, Richard Gere et Julianne Moore dans "I'm not there" un film de Todd Haynes consacré à Bob Dylan. Si le métier d'actrice s'est imposé à Charlotte Gainsbourg de manière plus ou moins naturelle, c'est elle qui a choisi de se lancer dans la chanson. Son premier album, "Charlotte Forever", enregistré à 15 ans, aurait très bien pu rester lettre morte…
Cependant, la musique fait intrinsèquement partie d'elle : en 1994, elle intègre la troupe des Enfoirés, et elle récidive en 2001. Elle chante en duo sur l'album d'Étienne Daho et en 2006, arrive ce qui devait arriver : Charlotte sort "5:55'", un album tout en anglais, de pop sophistiquée conçue par Air et coécrit par Jarvis Cocker et Nigel Godrich. La jeune femme ne voulait pas chanter en français, car pour elle c'est encore trop lié à son père. Cet album lui va à merveille, car même si elle n'a pas écrit les textes, les deux paroliers se sont fortement inspirés de ce que Charlotte gribouillait sur ses carnets lors de la préparation de l'album. L'univers musical de Charlotte ? Un mix de souvenirs paternels, d'air des Beatles, des 45 tours de Brassens écoutés dans la maison de campagne de Jane Birkin… Sur son Ipod cohabitent Radiohead, West Side Story et Devendra Banhart. Au-delà de son statut de chanteuse et d'actrice, Charlotte Gainsbourg est l'incarnation parfaite de l'icône de mode : charme, style et grâce. Et pourtant, la jeune femme n'en aurait presque pas conscience.
En 2003, Gérard Darel ne s'y trompe pas en choisissant Charlotte en tant qu'égérie. Il revendique "une nouvelle élégance sans artifice", qui colle parfaitement à ce qui émane de la jeune femme. La campagne est un véritable succès et depuis Charlotte ne cesse d'irradier de sa présence nonchalante les saisons Gérard Darel.
Cette nouvelle fonction a forcé Charlotte Gainsbourg à se livrer un peu plus sur son rapport à la mode. C'est lors du tournage de "l'Effrontée", au contact de la costumière Jacqueline Bouchard qu'elle prend conscience des vêtements et de leur potentiel plaisir. Pour son rôle, elle ne porte que des pièces usées, dont elle tombe sous le charme. Durant plusieurs années, elle ne portera que des fripes, rejetant le côté trop cassant, pas assez patiné des vêtements neufs.
Elle porte les jeans de Jane et se compose un look très années 40. La mode ? Elle aime la regarder de loin sur les autres... Pour elle, c'est une autre histoire. Bien sûr, travailler avec des photographes prestigieux pour les campagnes Darel la flatte, mais elle n'est pas pour autant assidue aux défilés parisiens ou aux parutions de Vogue. Point de vue style, la jeune femme serait du type à ne pas suivre les tendances, tout en réussissant envers et contre tous à être dans l'air du temps.
C'est ça la magie Gainsbourg : être tellement soi-même que l'on voudrait tout copier, alors que le secret ne réside pas dans les vêtements, mais dans ce petit truc en plus qui fait que Charlotte mérite bien son statut d'icône… Car en matière de fringues, Charlotte se contente du minimum : pendant longtemps elle n'a pas quitté son trench Burberry et ses jeans patte d'eph. Jamais de robes, sauf sur les tapis rouges et en Balenciaga.
D'ailleurs avec Nicolas Ghesquière c'est une véritable histoire d'amitié : c'est lui qui l'a aidé à se façonner une nouvelle image, à l'occasion de la sortie de son album. Il lui a fait adopter slims, chemises ajustées et petites vestes en cuir. Une bonne alternative au trench et patte d'eph' selon elle, même si elle a du mal à s'en défaire. Mais elle fait confiance à son ami styliste dont elle aime les créations, qui semblent avoir été imaginées pour des filles comme elle.
Si Nicolas Ghesquière la conseille et l'oriente un minimum dans ses choix, Charlotte doit la base de son style à sa mère. Grâce à elle, Charlotte a très vite fait rimer beauté et naturel. D'ailleurs sa soeur, Kate Barry, qui est une vraie passionnée de mode, parfait son éducation en lui offrant à chaque Noël des pièces créateurs allant d'Helmut Lang aux plus avant-gardistes des stylistes japonais.
Inimitable et désarmante de simplicité, Charlotte Gainsbourg, bien que vouant un culte sans limites à la discrétion, ne peut s'empêcher de rayonner et de nous inspirer…
Par Lise Huret, le 09 septembre 2007
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Et t'aurais quand meme pus mettre une photo de Nicolas Ghesquiere , au bras de Charlotte , non mais ! mdr